Troisième série

Troisième série

 

À un disciple, désigné par la lettre R dans le texte. Élevé à Gurukul Kangri, en Uttar Pradesh, ce disciple vit à l'Ashram de Sri Aurobindo depuis son arrivée en juillet 1938, à l'âge de vingt et un ans. Il s'est tout particulièrement efforcé de servir la Mère par son travail et ce souci se reflète dans ses lettres qui, pour la plupart, traitent de problèmes de cet ordre. En cinquante-huit ans, le disciple s'est vu confier de nombreuses tâches. Les principales, énumérées ici parce que cette correspondance y fait allusion, sont : la préparation de jus de fruits pour Sri Aurobindo et la Mère, l'attribution du travail aux nouveaux Ashramites, la répartition de combustible et de denrées alimentaires aux Ashramites, la gestion (parfois en collaboration avec d'autres) de la Resserre à Fruits¹, de la Salle à manger, de la Boulangerie et de la Blanchisserie, l'édition de Purodha et Agnishikha, deux mensuels de langue hindie, l'enseignement du hindi au Centre International d'Éducation de l'Ashram et la traduction en hindi de nombreuses œuvres de Sri Aurobindo et de la Mère.

 

Mère,

Il m'arrive de traduire des articles écrits par des gens de l'Ashram ou d'ailleurs. Puis-je les envoyer à l'imprimerie? Il Te² serait difficile, en ce moment, de donner Ton approbation dans chaque cas. Ce travail littéraire m'aide-t-il dans ma sâdhanâ, ou est-ce un obstacle?

 

Tu peux faire ce travail de traduction de temps en temps, mais pas au point de t'y laisser absorber. La conscience doit rester libre pour la sâdhanâ. 

 

¹La "Fruit Room", pièce où les fruits étaient conservés avant d'être distribués aux Ashramites.

²Le lecteur notera que les pronoms se référant à la Mère portent une majuscule. À partir d'avril 1962, le disciple supprime la majuscule. Nous avons fait de même et, en cela, respecté l'original anglais. (Note de l'éditeur)

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Avec mon amour et mes bénédictions.

29 décembre 1938

 

En réponse à ta lettre je peux te dire que si l'équivalent de la valeur de la propriété m'était donné, je ^accepterais certainement. Mais je ne peux pas le demander, je peux seulement l'accepter comme un libre don.

Ma tendresse et mes bénédictions t'accompagnent.

20 janvier 1939  

Ma Mère à moi,

Il me vient certaines tentations de servir la mère patrie et la langue maternelle. La renommée et la personnalité de Gandhi, sa grande œuvre philanthropique en sont les appâts. Je T'en prie, protège-moi. Un ami me pousse à venir travailler auprès de Kalelkar. Veille, s'il Te plaît, à ce que cette tentation et d'autres, ne m'arrachent pas à Tes bras.

J'ai écrit un article. Puis-je l'envoyer à l'imprimerie [de l'Ashram] ?

 

Tu peux l'envoyer à condition qu'il ne contienne rien de répréhensible, c'est-à-dire, aucune polémique sur le plan politique, social, etc.

Tendresses et bénédictions à mon cher enfant.

25 mars 1939  

Mère,

Puis-je me procurer une courte note biographique sur Toi pour la publier dans le numéro spécial sur Sri Aurobindo que je suis en train d'éditer? Dans l'affirmative, à qui dois-je la demander ?  

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Je ne veux pas qu'on publie la moindre chose sur ma vie. J'en ai toujours refusé la permission à tous ceux qui me l'ont demandée.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

3 avril 1939 

Chère Mère,

Le numéro spécial sur Sri Aurobindo est prêt. Le texte est en place, mais au dernier moment je n'ai pas du tout envie de publier les passages que j'ai traduits. Je voudrais différer la publication de ce numéro, peut-être même y renoncer. Je suis passablement déprimé. Je croîs que mes traductions ne sont pas bonnes.

Je ne sais que faire. Je crois que c'est Ta Volonté que ce numéro ne paraisse pas maintenant, d'où mon mécontentement. farce que, jusqu'à la semaine dernière, j'étais pleinement satisfait de mon travail. Ce qui est contre Ta Volonté, comment pourrais-je le faire ?

 

Tu as dû trop travailler sur cette traduction et c'est pourquoi tu es maintenant insatisfait et déprimé. Mais je suis sûre que la traduction est bonne et je ne vois aucune raison d'en différer la publication.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

24 mai 1939

 

J'ai reçu la lettre d'Abhaya. Tu peux lui écrire : "Il est absolument hors de question que quiconque associé à l'Ashram intervienne dans des activités politiques quelles qu'elles soient." Il ne doit pas aller voir Sir Akbar Hydari (ce serait inutile de toute façon). S'il allait le voir et que Sir Akbar nous en parlait, nous serions obligés de désavouer sa démarche et de dire qu'elle n'a pas reçu notre approbation. Tu peux lui envoyer nos bénédictions.

3 juin 1939

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Mon cher enfant,

Je suis toujours présente près de toi — en toi — et mes bénédictions t'accompagnent.

19 juin 1939 

Mère,

X. est venu chercher les livres aujourd'hui. Je lui ai dit, comme Tu m'y as autorisé, que c'était impossible. Il ne part pas. Il dit qu'il doit rester près de Toi et •qu'en fait Tu ne T'opposes pas à ce qu'il reste.

 

C'est tout à fait faux, Sri Aurobindo et moi, nous voulons tous deux qu'il parte, car nous sommes convaincus que l'atmosphère de Pondichéry n'est pas favorable à son équilibre mental et que le climat n'est pas bon pour sa santé.

21 juin 1939

 

Abhaya m'écrit qu'il voudrait t'emmener avec lui à Gurùkula.

Je ne lui ai pas encore répondu.

Je voulais d'abord te demander ce que tu en penses.

Bien entendu, si tu me demandes mon avis, je te dirai que je ne vois pas pourquoi tu devrais y aller. Mais tu dois me dire franchement ton sentiment.

Tendresses et bénédictions à mon cher enfant.

25 septembre 1939

 

(Le disciple a fait savoir à la Mère qu'il ne désirait pas quitter l'Ashram, mais qu'il partirait si elle le voulait.)¹

 

Ta réponse me fait très plaisir quoiqu'elle ne me surprenne pas. Je savais ce qu'il y avait dans ton cœur, mais je voulais

 

¹Cette note est basée sur le souvenir que le disciple garde de sa lettre qui s'est perdue. Nous avons inséré des notes similaires dans nombre de cas, lorsqu'une partie ou la totalité de la lettre est manquante.  

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que tu me l'écrives afin de pouvoir dire catégoriquement non à Abhaya.

Tu peux être sûr que je ne te renverrai pas d'ici. Tendresses et bénédictions à mon cher enfant.

25 septembre 1939 

Mère,

Je voudrais Te demander si penser à Ton travail, ce n'est pas aussi penser à Toi. N'est-ce point aller dans le sens d'une bonne attitude si, bien que je ne me souvienne pas de Toi tout le temps, je me souviens de Ton travail et j'y pense ?

 

Oui, c'est très bien.

27 novembre 1939 

Mère,

Je ne me sers ni de matelas, ni de moustiquaire, ni même d'un oreiller. Je dors sur un lit de camp sans le recouvrir de quoi que ce soit, ou sur une natte à même le sol. On m'a dit que Tu n'aimes pas ça. Bien sûr, autrefois je le faisais par ascétisme, mais ce n'est plus le cas maintenant. J'y suis habitué et je ne vois pas pourquoi Tu devrais dépenser plus d'argent qu'il n'est nécessaire. ]'espère que Tu n'y vois aucun inconvénient.

 

Je n'y vois aucun inconvénient et je me demande qui t'a dit que j'en voyais !

 

Un de mes cousins — le professeur Y. d'Hyderabad — voudrait que je le soigne avec un remède ayourvédique. Il n'est pas nécessaire d'examiner le patient ; je peux faire préparer le remède à Gurukul et le lui envoyer. Je recevrai pour cela quatre-vingts roupies (sans compter le prix du remède) qui Te reviendront, bien entendu.

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Si Tu me permets de le soigner et de le faire payer, l'argent ira à T'es pieds; sinon quelqu'un d'autre l'aura.

 

Tu peux faire préparer le remède là-bas, si tu veux, mais nous ne pouvons pas nous faire payer. Tout argent qui vient ici doit être une offrande.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

15 décembre 1939

 

(En 1940 le disciple a pris en charge le Service de distribution des repas de la Salle à manger aux Ashramites qui mangent chez eux. Quand il a appris que quelqu'un s'était plaint de son travail à la Mère, il lui a écrit pour savoir si c'était vrai.)

 

Personne ne s'est plaint de ton service de distribution et tu peux être sûr que si j'avais quelque chose à te dire au sujet de ton travail, je te l'écrirais directement.

Mais tu ne dois pas t'inquiéter des fautes et des faiblesses des autres ; la seule chose qui importe c'est de ne pas croire ce que les gens te disent, surtout quand ils parlent en mon nom.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

20 juillet 1940 

Mère,

Tu sais ce qui m'est arrivé. Je T'en prie, dis-moi ce que je dois faire quand je suis pris dans ces conflits intérieurs et extérieurs. ]'aimerais pouvoir faire preuve de bonne volonté envers ceux qui sont responsables de mes difficultés extérieures, mais je n'y arrive pas. Donne-moi, s'il Te plaît, quelques conseils d'ordre général qui pourraient m'aider dans ma situation actuelle. Je suis devenu si sensible qu'un rien suffit à me bouleverser.

 

Ce sont des perturbations vitales qui font leur apparition au cours de la sâdhanâ et qui doivent être éliminées.

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Il ne faut pas les considérer comme des mouvements naturels justifiés par les erreurs d'autrui, devant nécessairement se perpétuer tant que persistent les causes extérieures. La vraie cause est intérieure, et la seule façon de s'en débarrasser, c'est de suivre la discipline yoguique, d'être vigilant, de se détacher de ce mouvement vital, et de le rejeter tranquillement mais fermement. Avec mon amour et mes bénédictions.

26 juillet 1940

 

Même si, en apparence, tu n'arrives à rien dans ta méditation, il vaut mieux persévérer et être plus obstiné que l'opposition de ta nature inférieure.

Je suis tout à fait satisfaite de la manière dont tu fais ton travail et cela va sûrement t'aider à te rapprocher de moi.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

13 septembre 1940

 

(Le disciple mentionne que les sâdhaks d'un certain service parlent beaucoup pendant qu'ils travaillent.)

 

Pour la sâdhanâ et pour le travail il vaut toujours mieux travailler en silence.

Début de 1940¹

 

(Le disciple informe la Mère qu'il a contracté la rougeole et est mis en quarantaine. Il lui demande ses bénédictions pour guérir et ajoute qu'il n'est pas venu à l'Ashram pour faire la sâdhanâ, mais seulement pour travailler.)

 

Tu as mes bénédictions.

 

¹Le disciple a donné cette date approximative de mémoire : l'original de la lettre n'est pas daté. Nous avons eu recours à des approximations similaires dans un certain nombre de cas.  

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Tu dois considérer cette maladie comme le signe qu'en dépit de toutes tes convictions — peut-être même de toutes tes résolutions — il te faut faire la sâdhanâ et, à ta consécration extérieure dans le travail, ajouter la consécration intérieure d'une compréhension profonde et celle de la transformation psychologique, et d'utiliser à cette fin cette période d'isolement.

Mon aide et ma tendresse sont avec toi.

6 avril 1952  

Mère,

J'essaie de mon mieux d'améliorer la qualité de mon travail. Je ne sais pas si j'y parviens. Je continue à me sentir fatigué et vidé. Après cette maladie, je n'ai pas retrouvé mon enthousiasme. Cette volonté que j'avais d'être de plus en plus utile, s'est refroidie.

Mère, rends-moi utile ou renvoie-moi. Je ne veux pas vivre une vie inutile. J'aurai peut-être plus de chance la prochaine fois. Je suis fatigué, fatigué de tout. Laisse-moi partir si tu trouves impossible de me changer. Que je m'endorme d'un long et profond sommeil.

Ne te retire pas, Mère. Tu m'as accepté, et si j'ai été utile, ne fût-ce qu'un moment, ne m'abandonne pas.

 

Il n'est pas question, et il est tout à fait impossible que je "t'abandonne". Mon attitude envers toi n'a pas changé. Mais ta maladie et ton état actuel ont la même cause. J'essaie d'avancer rapidement vers la Réalisation future ; le progrès est rapide, et ceux qui veulent rester proches de moi doivent avancer vite eux aussi. Quelque chose en toi refusait de changer, ce même quelque chose qui se vantait de ne pas s'intéresser au yoga, de ne croire qu'au travail, etc., etc. Le résultat, c'est que tu t'es écarté de ma protection et tu es tombé malade. C'est ce que signifiait le mot que je t'ai écrit au début de ta maladie. Mais il n'a pas agi comme je l'espérais.

Maintenant, il n'y a qu'une seule chose à faire : affronter carrément la nécessité de ce changement dans une certaine partie de ta nature et  

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— avec mon aide — changer. Avec ma tendresse et mes bénédictions.

10 juin 1952

 

(Le disciple envoie à la Mère la lettre d'un travailleur qui se plaint de manquer de force four faire son travail et de ne pas sentir Sa Grâce. La Mère répond :)

 

Ici, chaque fois qu'un travail est attribué, on reçoit en même temps toute la force et la Grâce nécessaires pour le faire correctement. Si l'on ne sent pas la force et la Grâce, cela prouve qu'il y a un défaut dans l'attitude. On n'a pas la foi, ou on est retombé dans les vieilles ornières et les anciennes croyances et ainsi on perd toute réceptivité.

1er octobre 1952 

Mère,

Je voudrais cesser d'aller au Terrain de jeux. Si j'y vais, je crains que d'autres ne commencent à s'y réunir pour parler de leurs affaires, comme auparavant, et cela troublerait le silence de ce lieu.

 

Et si j'ai besoin de toi ? Le mieux serait de te donner pour règle de ne pas parler et de ne pas écouter tant que dure la distribution, et d'écouter et de répondre aux gens dès qu'elle a pris fin.

9 septembre 1954

 

(Le disciple évitait délibérément de voir la Mère pour ne pas lui faire perdre son temps. Elle écrit à ce propos :)

 

J'ai encore une chose à te dire : tu ne dois pas éviter de me voir, car cela encourage, en quelque sorte, les parties de ton être qui refusent plus ou moins de s'ouvrir à mon influence.  

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Avec mon amour et mes bénédictions.

Essaie d'être simple et spontané comme un enfant dans ta relation avec moi — cela t'évitera beaucoup de difficultés.

25 octobre 1954  

Mère,

Tu as dit : "Nous voulons être complètement sous Ton influence à l'exclusion de toute autre." (Prière du 23 octobre 1937) En hindi, j'ai traduit cela par "Nous voulons être teints en Ta couleur, à l'exclusion de toute autre couleur." C'est l'expression idiomatique, mais est-ce correct ?

 

Ce n'est pas la vraie signification ; chaque force, chaque pouvoir influence les autres forces, les autres pouvoirs, et réciproquement. Le seul moyen d'échapper à cette confusion d'influences, qui est constante et générale, est de se concentrer exclusivement sur la Conscience divine et de ne s'ouvrir qu'à la Conscience divine.

1954 

Mère,

On raconte que je peux toujours affecter des travailleurs à des services, si je veux, mais que pour une raison ou une autre, je ne le fais pas, et que je crée ainsi des difficultés aux gens. }e ne sais pas s'ils le croient vraiment. Je ne me suis jamais soucié de ma popularité ou de l'opinion publique, aussi ce point de vue n'a pour moi aucune importance. Mais d'après ce que tu as dit hier matin, je me demande si le Divin partage aussi ce point de vue.

 

Non, le Divin sait et ne peut partager aucun point de vue stupide.  

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Mère,

Quand l'apparence compte plus que tout, quand tous les moyens de rendre l'existence facile sont offerts, quand tout est donné sans que rien ne soit exigé en retour, comment les gens peuvent-ils travailler, à moins qu'un changement ne vienne du dedans? Et ce changement, je regrette de le dire, je 'ne le vois guère à l'horizon. La vie est de plus en plus chaotique, le Divin ne semble pas s'être rapproché, tout paraît aller de travers. Malgré toutes les belles promesses, je me demande ce que l'avenir nous réserve.

 

Ce n'est qu'une vision pessimiste des choses. Le contraire est également vrai et à travers ce chaos apparent un ordre nouveau et meilleur prend forme. Mais pour le voir, il faut avoir foi en la Grâce divine.

Courage ! Tout ne va pas aussi mal que tu le crois.

Avec mon amour et mes bénédictions.

7 octobre 1956

 

(La Mère avait fait appeler le disciple, dont c'était l'anniversaire, pour qu'il vienne la voir au Terrain de jeux, mais il n'était pas venu. Le soir, elle lui a expliqué qu'elle voulait lui donner quelque chose au-dedans. Le lendemain, il lui écrit:)

Mère,

Je regrette ma conduite d'hier. Puis-je te demander de m'en excuser? ]'espère que les occasions manquées ne seront pas perdues. Je prie que celle-ci soit la dernière.

Je voudrais bien pouvoir être ton vrai serviteur.

 

Mon cher enfant,

J'ai parlé avec un peu de "sévérité" hier soir pour que l'erreur ne se reproduise plus, mais à vrai dire, les conséquences en sont déjà effacées et ce que je voulais te donner est donné. C'est à toi d'en faire bon usage.

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Je te considère déjà comme un vrai serviteur, mais je veux que tu deviennes aussi un véritable enfant, afin que tu puisses en ressentir toute la joie.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

27 janvier 1957

 

(Le disciple écrit qu'il ne sent la Présence de la Mère que lorsqu'il travaille ; aussi le travail est-il sa seule sâdhanâ. Voici la réponse de la Mère :)

 

Dans le yoga intégral, il n'y a aucune distinction entre la sâdhanâ et la vie extérieure ; c'est dans chaque mouvement de la vie quotidienne qu'il faut trouver la Vérité et la mettre en pratique.

16 mars 1958

 

(Le disciple fait part à la Mère d'une difficulté qu'il rencontre dans le travail et ajoute :)

Par simple discipline, je ne devrais jamais me plaindre à toi de rien. C'est cette attitude que j'ai adoptée depuis quelque temps. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que d'ici peu tu maîtriseras les choses. Il suffit de rester tranquille. Mais je voudrais savoir si cette attitude est correcte — ou est-ce du tamas [apathie] déguisé ?

 

Rester tranquille n'a certainement rien de tamasique. En fait, c'est seulement dans la tranquillité que l'on peut faire la chose juste. Ce que j'appelle tranquillité, c'est cette façon de faire son travail sans se laisser troubler par rien et d'observer toutes choses sans se laisser troubler par rien.

Néanmoins, s'il te semble que quelque chose ne va vraiment pas, tu peux toujours m'en informer — sans te laisser troubler — et je verrai ce qu'il faut faire.

Ma présence et mes bénédictions sont toujours avec toi.

19 septembre 1959

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(Le disciple écrit qu'il ne veut plus enseigner le hindi car ses élèves sont trop apathiques. Sa lettre se termine ainsi:)

On dit que tu n'accordes aucune importance aux langues indiennes. Veux-tu que je continue à enseigner malgré l'apathie de mes élèves, ou puis-je abandonner ?

 

Continue sans hésitation.

J'ai le plus profond respect pour les langues indiennes et je continue à étudier le sanscrit quand j'en ai le temps.

Amrita dit que la situation dans son cours de tamil est bien pire que celle du cours de hindi. Il ajoute qu'il continuera même si les élèves ne viennent plus... il se donnera des cours à lui-même ! .

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

30 septembre 1959

 

(Les étudiants de hindi du disciple lui ont demandé de leur parler des vacances. Il transmet leur requête à la Mère qui répond :)

 

Jours fériés

 

Dirons-nous des jours sacrés ?¹ Ils sont de deux sortes : selon la tradition, le Seigneur travailla pendant six jours (ou six éternités) à la création de son univers et le septième Il s'arrêta pour se reposer, se concentrer et contempler son œuvre. Ce jour peut être appelé le jour de Dieu.

Quant à la seconde catégorie, les hommes, les créatures, travaillent pendant six jours pour eux-mêmes et avec des mobiles égoïstes, le septième jour ils s'arrêtent pour se reposer et prendre le temps de regarder au-dedans ou au-dessus d'eux-mêmes, pour contempler la source et l'origine de leur existence

 

¹Allusion au sens littéral du mot anglais "holydays" qui veut dire : des jours saints, sanctifiés ou rendus saints par la consécration au Seigneur.

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et de leur conscience, afin de s'y plonger et de renouveler leurs énergies.

Il n'est guère nécessaire de mentionner la façon moderne de comprendre le mot ou la chose, c'est-à-dire toutes les manières possibles de gaspiller son temps pour essayer en vain de s'amuser.

Octobre 1959

 

(Le disciple écrit au sujet d'un sâdhak qui 'travaille très peu lui-même et conseille en outre aux nouveaux travailleurs de ne pas "trimer comme des esclaves". La Mère répond:)

 

Ce n'est pas parce que vous ne faites pas votre travail avec le plein sens de vos responsabilités qu'il faut inciter les nouveaux travailleurs à vous imiter. 

Vers 1960

 

(Le disciple, responsable de l'attribution du travail aux nouveaux membres de l'Ashram, est bouleversé de découvrir qu'un travail vient d'être attribué à quelqu'un sans qu'il en soit même informé. Il demande à la Mère comment cela a pu arriver.)

 

Tout ce que je peux te dire, c'est que lorsqu'une personne ou des personnes me font savoir qu'elles voudraient du travail et expriment l'intention de rester ici quelque temps ou d'être admises à titre permanent, je ne manque jamais de répondre : allez voir R. (si je parle à la personne elle-même) ou envoyez-la ou envoyez-les à R. Comment cela se change-t-il en autre chose pour que tu n'en sois pas informé, ça je ne le sais pas, c'est un des mystères de la nature humaine, et je suis sûre qu'il se passe beaucoup de choses dont je ne suis pas tenue au courant du tout.

Mais ce n'est pas une raison pour être bouleversé. Il suffit de garder la tête froide et de faire de son mieux,  

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dans les limites qui nous sont assignées par la nature humaine.

Après tout, c'est le Seigneur et personne d'autre qui en porte la pleine et entière responsabilité. Alors, il n'y a pas à s'inquiéter.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

26 février 1961

 

Nous avons annoncé que dans la future collection Aditi, chaque livre aura environ cent pages. Le premier livre sera "White Rosés" ["Rosés Blanches"]. Faut-il garder l'introduction de H. ?

 

Oui, parce que ce que j'ai écrit était destiné à H., et non à d'autres. Ce qui est dit à chacun est dit d'une manière différente, tout mélanger crée de la confusion.

1961  

Mère,

Je te soumets un résumé de la pièce de A., Rajkumar, qu'elle-même a rédigé, fourrais-tu le lire quand tu en auras le temps ? Je te prie de suggérer quelque chose qui pourrait élever cette -pièce au-dessus du niveau ordinaire, qui pourrait aider la conscience des participants. J'ai l'impression qu'il faut changer quelque chose à la fin, mais je ne sais pas quoi.

 

Les événements décrits sont-ils historiques ? Ou peuvent-ils être modifiés ? S'ils peuvent être modifiés, ce serait plus intéressant que l'amour du Prince convertisse l'instrument hostile juste au moment où celui-ci lui donne le poison, qu'il avoue et soit pardonné.

Cette vieille idée qu'une catastrophe est nécessaire à l'efficacité du pouvoir est une limite qu'il faut surmonter.  

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Naturellement, si c'est un fait historique qui doit être conservé, alors c'est dans le discours que la vérité plus haute doit être exprimée.

25 février 1962 

Mère,

J'avais l'illusion que je devais répartir le travail entre les gens. X. est très souffrant et Y. n'est pas bien non plus. Aussi, j'ai pensé que quand Z. viendra il pourrait être affecté à Honesty Society pour aider X. Il. a été négociant. Comme d'habitude, on ne m'a pas soumis le cas et j'apprends qu'il a été affecté au Bureau Central sur ton ordre ! Et pourtant l'autre jour j'ai donné un aide temporaire au Bureau Central. X. a bien plus besoin d'un nouveau travailleur. Mais si c'est ton ordre, je m'incline.

Chaque fois qu'une situation est désagréable ou qu'il faut s'occuper de quelqu'un d'insupportable, on me le repasse religieusement ; sinon... et tu dis que je suis responsable du travail.

 

Mon cher enfant,

Dois-je prendre cela comme un accès de mauvaise humeur, et que ton ego a été pris à rebrousse-poil?... Tu semblés bien amer. Aucune décision définitive n'a été prise de mon côté sans que j'en réfère à toi et sans que je dise que tu dois être consulté pour que la décision la plus utile soit prise. Mais tant pis ; si tu crois que les choses ne se passent pas comme il faut et que j'en suis responsable, soit, j'en accepte la responsabilité.

Dans le cas présent je suis heureuse d'apprendre que Z. peut être plus utile à Honesty Society, aussi nous l'enverrons là et espérons que tout ira bien. Mais il n'en demeure pas moins tout à fait vrai que je suis surtout occupée par quelque chose que je considère comme plus important que l'organisation extérieure — pour le moment — et c'est pourquoi j'attends de chacun qu'il fasse son devoir au mieux de ses capacités, les yeux fixés sur la grandeur de l'œuvre divine,  

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ce qui l'aidera sûrement à vaincre ses difficultés personnelles.

Les temps sont durs pour tout le monde et pour toute chose — mais c'est sûrement pour nous apprendre à dépasser nos limites.

J'ai pleine confiance en toi, je compte sur toi, j'ai besoin de ton travail, et je suis sûre que tu surmonteras tes difficultés actuelles.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

6 août 1962 

Mère,

X. a apporté ce stylo du Népal. Il me l'a donné. Je te le donne à mon tour, sûr que le fait qu'il te parvient fera du bien à la Chine (il est fabriqué en Chine) et aux relations sino-indiennes.

 

Voilà comment il écrit. Le stylo semble bon. Bénédictions sur la Chine !

27 août 1962 

Mère,

Hier, j'étais en train de dormir, pendant la journée, et tu es venue dans mon rêve. Tu as commencé a me dire quelque chose ; à ce moment quelqu'un a frappé à la porte, et m'a réveillé. Cela s'est produit trois fois et chaque fois quelqu'un a frappé à la porte, ce qui m'a donné un sérieux mal de tête. Je ne me souviens guère de mes rêves, mais celui-là était si vivant. Je me demande si en fait tu avais quelque chose pour moi.

 

Oui, en effet, je suis venue à toi, et ce n'est pas la première fois, avec quelque insistance, pour des questions générales, des questions d'Ashram et de sâdhanâ (la tienne), c'est-à-dire pour faire le point de ta progression.  

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N'y a-t-il aucun moyen d'empêcher les gens de frapper à ta porte?

Une pancarte à ta porte disant : "Prière de ne pas frapper maintenant." ?

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

25 octobre 1962 

Mère,

Le président de l'Inde a déclaré l'état d'urgence.¹ Le gouvernement est libre de prendre des mesures draconiennes. À l'Ashram, tout le monde — de A. à Z. en passant par X. et Y. — s'en prend violemment à Nehru et à son gouvernement ; on les entend à la porte de l'Ashram, dans les rues, à la Salle à manger, et ailleurs. Certains vont même jusqu'à vous impliquer, Sri Aurobindo et toi. Cela risque d'attirer à l'Ashram des ennuis bien inutiles. Je te le signale.

 

Je t'envoie un mot que tu afficheras à la Salle à manger. On le mettra aussi au tableau d'affichage.

 

Silence ! Silence !

C'est le moment de rassembler nos énergies et de ne pas les gaspiller par un bavardage inutile et vide de sens.

Celui qui déclare bruyamment son opinion sur la situation actuelle du pays doit comprendre que cette opinion est sans valeur et ne peut en aucune façon aider notre Mère l'Inde à sortir de ses difficultés. Si vous voulez vous rendre utile, commencez par vous maîtriser et gardez le silence.

Silence ! Silence ! Silence !

C'est seulement dans le silence que quelque chose de grand peut être accompli.

28 octobre 1962

 

¹Le 20 octobre 1962, la Chine envahit l'Inde sur deux points de sa frontière septentrionale. Une semaine plus tard, les soldats chinois s'emparent de plusieurs postes militaires indiens, puis se retirent.  

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Un bon conseil à tous les Ashramites

au sujet de leurs rapports avec les visiteurs

et les étrangers (ou même entre eux)

 

"Quand vous n'avez rien d'agréable à dire au sujet de quelque chose ou de quelqu'un de l'Ashram, gardez le silence.

"Vous devez savoir que ce silence est un signe de fidélité à l'œuvre du Divin."

Octobre 1962  

Mère,

Tu m'as écrit que la nuit tu viens à moi. ]'essaie moi aussi de te rejoindre, mais... hélas.

 

Continue à essayer. Un jour tu y arriveras car je continue à venir.

Avec mes bénédictions.

9 novembre 1962

 

(Devenu éditeur de Purodha, le disciple commence à écrire des nouvelles et des articles pour cette revue. Mais, comme il l'explique à la Mère, il craint d'avoir "la grosse tête" si sa vieille ambition de devenir un grand écrivain se réveille.)

 

Derrière toutes les ambitions il y a une Vérité qui attend le moment opportun pour se manifester. Maintenant que l'ambition a disparu, c'est le moment pour la vérité (le don et la capacité) de se manifester.

Prends bien soin de ne pas "enfler", mais je suis avec toi, pour t'aider à faire quelque chose qui pourra être intéressant.

Avec mon amour et mes bénédictions.

1962

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Mère,

Quelqu'un qui est en relation avec l'Ashram veut publier un agenda (pas à des fins commerciales) en citant tes écrits avec ceux de Vivékânanda, Ramatirtha, etc. Je lui ai dit que ce n'est pas une bonne chose de faire ce khichri [mélange]. Il vaut mieux ne rien mettre de Mère. Est-ce correct ?

 

Tu as tout à fait raison !

Vers 1962

 

J'apprends que tu as la grippe — c'est inacceptable.

Tu dois te reposer — mais d'un repos de concentration de force, et non d'une dilution qui ne résiste pas aux forces adverses. Un repos qui est puissance et non faiblesse,

Courage, mon entant, secoue-toi et rejette cette mauvaise influence.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

7 janvier 1963

 

Je voudrais beaucoup Te voir dans Ton nouveau corps.

 

Je suppose que tu veux dire mon apparence nouvelle ou mon corps transformé. Parce que s'il s'agit d'un nouveau corps, je ne connais personne qui puisse fabriquer un corps complet et vivant, dans lequel je puisse entrer sans perdre, au moins en partie, ma conscience actuelle. Bien entendu, ce pourrait être un processus relativement plus rapide, mais peut-être pas loyal vis-à-vis des cellules de ce corps, si pleines d'enthousiasme, qui se prêtent avec tant de bonne volonté au processus quelque peu astreignant de la transformation.

En tout cas, comme je te l'ai déjà dit, tu dois être prêt à attendre longtemps et à voir passer beaucoup d'anniversaires. Ce qui, bien entendu, est très bon, et que j'approuve tout à fait.

Avec ma tendresse.

25 janvier 1963

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Mère,

X. t'a écrit au sujet de la construction du Dortoir d'Orissa. Y. doit faire le travail. Z. et W. vont s'occuper de l'aspect technique et je suis là aussi. Mon travail n'est pas précisé dans la lettre. Tu l'as approuvée et tu l'as signée, X. me dit que je devrais en quelque sorte établir la liaison entre toi et les autres services si c'est nécessaire et quand cela le sera. Les travaux commenceront après le Darshan.

 

Comment les travaux pourraient-ils commencer après le Darshan ? Ils n'ont pas l'argent nécessaire, seulement une très petite partie. Et c'est impossible de commencer les travaux avant d'avoir au moins les trois-quarts de la somme.

De plus, les plans ne sont pas prêts, les calculs ne sont pas faits, d'après ce que j'en sais rien n'est prêt. Ce serait pure folie de démarrer quoi que soit dans ces conditions. Je me souviens de la lettre de X. mais je ne l'avais pas prise au sérieux pour les raisons évoquées plus haut, et je n'avais pas accordé une attention particulière à ta présence qui me semble un peu inutile dans cette affaire. Alors, à moins que toute la somme ne soit recueillie et que tous les plans et les calculs ne Soient faits et me soient montrés... pas question !

Bénédictions.

8 février 1963  

Mère,

Quelques nerfs de ma jambe droite, de la cuisse au talon, ne fonctionnent pas bien. Je sens un engourdissement et je boîte quand je marche. Quelquefois, si je ne fais pas attention, il me semble que je vais perdre l'équilibre. S'il te plaît, regarde ce qu'il en est. Cela a commencé lorsque j'ai été malade en janvier.

Je me demande pourquoi ces maux ne guérissent que si je t'en fais part dans le physique. Quand c'est pour les autres, 

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je t'en informe en silence et cela marche. Peux-tu me dire pourquoi ?

 

Cela dépend de la réceptivité physique de chacun et cette réceptivité dépend elle-même de la mesure dans laquelle le mental domine.

3 mars 1963

 

(Au cours de sa traduction en hindi des Paroles d'Autrefois de la Mère, le disciple découvrit que l'histoire de Kaikeyi racontée dans ce livre est différente de la version hindie du Râmâyana. Il écrit :)

J'ai bien peur que les gens ne critiquent les points qui diffèrent de leur croyance. On dit que c'est à cause du grand amour que Rama avait pour elle qu'elle fut choisie pour exécuter la tâche la plus difficile et la plus ingrate.

Il semble que la version bengalie s'accorde avec ce que tu as écrit, tandis que les versions du Râmâyana en sanscrit et en hindi sont différentes. Que faire pour la traduction en hindi?

 

Ce que j'ai écrit ne venait pas du tout d'une connaissance directe ; c'était la traduction d'un livre écrit en anglais il y a plus de soixante ans. Tu peux donc introduire tous les changements nécessaires. Bénédictions.

6 mars 1963 

Mère,

Tu m'as dit que tu ne voulais en aucun cas que ton nom soit associé à celui de Paul Richard. X. relate les débuts de l'Ashram et parle de ton arrivée. Il dit que tu as accompagné Richard qui venait pour une campagne électorale. Ce texte a été publié en anglais et en bengali.

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Maintenant, il va être publié en hindi dans Purodha. Que conseilles-tu ?

 

J'en suis désolée. On ne m'en a rien dit. Arrête ici¹ en tout cas, que ce soit la dernière fois que quelque chose de ma vie passée est mentionné en public ! Ce corps ne veut pas qu'on parle de lui, il veut être tranquille et, autant que possible, ignoré.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

9 avril 1963 

Mère,

Maintenant une question indiscrète. Tu m'as écrit en termes très forts, que tu ne voulais pas être importunée par les détails des affaires de l'Ashram parce que tu étais trop occupée par ton travail intérieur. Mais maintenant tu commences à me poser des questions à ce sujet. Cela veut-il dire que tu as passé ce cap qui exigeait toute ton attention et que tu as l'avenir bien en mains, ou bien avons-nous fait tellement de gâchis que tu dois prendre le temps de t'occuper de ces affaires ? J'espère que c'est la première hypothèse qui est la bonne. Veux-tu me confier ce secret ?

 

Il n'y a pas de secret. La seconde hypothèse est la vraie. Les choses sont dans un tel désordre que je suis forcée de les surveiller.

19 avril 1963 

Mère,

En ce qui concerne cette femme Y., je ne vais que deux possibilités : ou bien tu la gardes par charité ou bien tu m'autorises à être un peu sévère et à la renvoyer avec environ cent vingt roupies pour payer un billet de train pour deux, etc. (...) Z. dit que ses organes sont atteints par la tuberculose.

 

¹"Ici" indique le passage où il est dit que "la Mère accompagna Paul Richard qui venait pour une campagne électorale". Mère a tiré un trait à partir de cette phrase jusqu'à sa réponse, reliant ainsi les deux textes.

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Dès le début, j'ai considéré que nous la gardions par charité et j'en attendais très peu de travail. Elle n'est pas du genre à aimer se rendre utile. Qu'elle reste à l'Étang¹ et qu'on lui donne une occupation quelconque pour qu'elle se tienne tranquille.

Bénédictions.

20 avril 1963

 

(Une femme du nord de l'Inde, Banarasi Ma, qui avait des milliers d'adeptes, se déplaçait en Uttar Pradesh et prêchait en prétendant représenter l'oeuvre de Sri Aurobindo et de la Mère. Elle avait fait plusieurs prédictions, dont l'une selon laquelle Sri Aurobindo réapparaîtrait sous une forme humaine le 15 août 1964. Pour accroître son prestige, elle exhibait des faux, que la Mère lui aurait écrits. À son propos, le disciple termine sa lettre ainsi :)

Près de quatre mille personnes, dans cette région de l'Uttar Pradesh, ont rejoint son troupeau. Un grand nombre d'entre elles ont quitté leur travail pour être avec elle, et tout cela au nom de ta mission et au nom de Sri Aurobindo. Les gens de notre centre et les membres de la Société Sri Aurobindo de cette région veulent savoir quels doivent être leur attitude et leur devoir en face d'un tel cyclone de mensonge. Je dois leur répondre. S'il te plaît, dis-moi.

 

Tout cela doit s'arrêter immédiatement une fois pour toutes. C'est pure falsification et les gens qui se livrent à une telle

 

¹Une ferme de l'Ashram, près de l'Étang d'Ousteri, à quelques kilomètres de Pondichéry.

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falsification devraient aller en prison¹, ou tout au moins on ne devrait pas leur permettre d'aller à droite et à gauche en répandant leurs mensonges et en trompant des gens crédules. Ses premières prédictions se sont toutes révélées fausses. Celles-ci le seront tout autant et ceux qui les croient sont des dupes.

27 avril 1963

 

(La Mère avait demandé au disciple de renvoyer de l'Ashram une femme qui avait perdu son équilibre mental. Quand elle a refusé de partir, il a écrit :)

Mère,

Nous sommes allés chez X. Elle refuse d'entendre raison. "Elle dit qu'elle ne partira pas, même si son mari vient. Y. est prêt à l'emmener de force. Elle veut une entrevue avec toi. tulle dit toutes sortes de sottises. Tes instructions, s'il te plaît.

 

Il est tout à fait impossible de la faire partir de force. Il n'est pas question de lui accorder une entrevue. Qu'elle reste ici aussi longtemps quelle voudra. Essaye de la loger quelque part dans un endroit où elle fera le moins de mal possible, donne-lui juste le nécessaire et pour le reste, ignore sa présence (si elle nous permet de l'ignorer).

Je verrai.

Bénédictions.

27 avril 1963  

Mère,

Je n'ai pas reçu de réponse à ma question sur l'enseignement du hindi classique. Le hindi classique est un peu difficile, mais c'est la crème de la langue. Sri Aurobindo a fait grand éloge des poètes classiques.

 

¹À côté des mots "aller en prison", Mère a écrit "plaisanterie", indiquant par là qu'elle n'avait pas l'intention de plaider.

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Quelques étudiants ne veulent pas l'apprendre pour des raisons pratiques. Ils ne veulent étudier que le hindi moderne, plus utile dans le travail quotidien. Ils refusent même de parler un hindi correct. Ils préfèrent cette horrible chose qu'ils appellent le hindi du Terrain de jeux.

 

J'avais l'intention de répondre, j'étais pressée et j'ai oublié. Voici la réponse : enseigne les deux, la langue authentique et ce qu'elle est devenue. Cela sera vraiment très intéressant et, plus que toute autre chose, cela les guérira de leur habitude de parler un mauvais hindi.

 

Je t'envoie un des dossiers de Z: qui relate des incidents de ta vie. J'ai mis trois au quatre croix. Presque tout cela a été publié dans Mother India. Qu'est-ce qui pourrait passer dans ce livre ? S'il te plaît donne-moi quelques critères qui me permettraient de dire ce qui est "passable".

 

Je viens de jeter un coup d'œil sur le dossier. C'est le genre de sottises que j'ai cessé de vérifier depuis longtemps, ce sont des enfantillages. La seule chose que je voulais voir c'était le "bateau japonais" et ma prédiction, parce que cela sonne complètement faux et doit être corrigé.

 

Permets-moi de te raconter un incident (je ne le publierai pas !). J'avais touché soixante-sept roupies qui me venaient de mes écrits. J'avais besoin de certains livres et je voulais les acheter. Un jour, subitement, je t'ai fait parvenir cet argent et immédiatement après quelqu'un m'a envoyé, en cadeau personnel, ces livres et d'autres encore, d'une valeur d'environ deux cents roupies !

 

Ce genre de chose est arrivé des centaines de fois et arrive de plus en plus.

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Mais à moi cela semble "tout à fait naturel" bien que je ne souhaite pas en donner une explication.

9 mai 1963  

Mère,

J'étais populaire parmi mes étudiants, mais maintenant je perds ma popularité parce que j'exige qu'ils travaillent sérieusement. Comment en sortir ?

 

En sortir ? Prendre cela avec calme, ne pas y prêter attention et continuer à faire ton travail tranquillement... en attendant des jours meilleurs...

Bénédictions.

22 mai 1963  

Mère,

Un de mes amis veut offrir quatre ou cinq ventilateurs électriques à la Salle à manger. Il paiera pour l'entretien pendant un an ou deux. Acceptes-tu ?

 

Oui.

 

Sa femme me dit qu'il veut aussi installer un ventilateur de plafond dans ma chambre. Ma première réaction est : "Non, je ne veux pas de tout ce luxe. " Pourtant, il me semble qu'un désir se cache quelque part en moi. Que me conseilles-tu ? (Je ne te demande pas la permission.)

 

La chambre est petite. Un ventilateur serait utile. Tu peux l'accepter et voir s'il te rend service.

Ce qui est mauvais, c'est l'esclavage — être esclave de l'abstinence autant que des besoins. Ce qui vient, on le prend, mais on est toujours prêt à le laisser partir, si cela s'en va...

Avec mes bénédictions.

24 juin 1963

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(Le disciple écrit à propos de deux travailleurs de la Salle à manger qui se sont querellés et battus. Il termine sa lettre ainsi :)

X. l'a frappé; Y. en a fait autant ; tous les deux sont tombés sur une fenêtre qui à son tour est tombée ! Cela s'est passé à 11h 25 quand la Salle à manger est pleine de monde.

 

J'ai reçu une lettre de X. et je lui ai dit ce que je pensais de cette histoire.

Je n'ai pas l'intention de répondre à Y. — mais tout cela semble bien être un retour à l'âge des cavernes.

Nous ne souhaitons pas vivre la vie artificielle d'une société civilisée, mais il vaudrait mieux gravir les degrés d'une civilisation plus grande plutôt que de retomber dans la loi des coups...

Bénédictions.

6 juillet 1963  

Mère,

Le 3 juillet cela a fait 25 ans révolus que je suis ici. D'habitude tu me grondais, pour une raison ou une autre. Cette fois-ci, cela m'a manqué.

 

Parce que cette année tu n'avais pas besoin d'être grondé.

 

Z.., celui qui est tuberculeux, a rêvé trois ou quatre fois qu'une forme très sombre s'approchait de lui pour essayer de l'étrangler. Il veut savoir pourquoi cela arrive et ce qu'il doit faire.

 

C'est une formation fausse dans le subconscient. Mais cela ne se serait pas reproduit s'il n'avait pas eu peur. C'est la peur, plus ou moins consciente, qui fait presque tout le mal.

Sans peur rien ne peut arriver.

Tu peux le lui dire tel que.

Juillet 1963

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Mère,

Il y a une détérioration générale du travail et des travailleurs, alors que les exigences vont à pas de géant.

 

Oui, le désordre est général. La FOI est le seul recours.

Bénédictions.

6 août 1963 

Mère,

Quant à aller chez le Dr X., je pense qu'il vaudrait mieux que mon corps apprenne à ne dépendre que de toi sans avoir recours à une aide extérieure. ]'ai des frayeurs et aussi des attaques de manque de foi, mais je crois que malgré cela tu peux et tu arrives à m'aider. Alors est-il nécessaire d'aller voir quelqu'un d'autre ?

 

Cela donne confiance au corps et de cette manière cela aide. Mais je te laisse le soin de décider.

Bénédictions.

26 août 1963

 

(Le disciple fait part à la Mère de récentes difficultés concernant l'accueil des visiteurs à la porte d'entrée de l'Ashram.)

 

Pour éviter toutes les "histoires" et les complications, il vaut mieux avoir un deuxième homme ou garçon à la porte entre midi et deux heures, pour qu'il emmène les visiteurs, surtout quand il y a des enfants, à Quadros House où on peut leur donner des sièges sur la grande véranda.

J'ai reçu des plaintes : Y. serait très grossier. Je ne sais pas jusqu'à quel point c'est vrai, mais tu pourrais lui demander de se conduire correctement.

La pièce d'accueil sera fermée entre midi et deux heures.

Et la véranda ne doit pas être pleine de familles, d'enfants et de bagages.

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J'essaie d'arranger les choses d'une manière convenable et j'ai besoin de ton aide.

Bénédictions.

24 octobre 1963

 

J'ai savouré ta lettre et l'"histoire".

Voici ma réponse. Ou est-ce une réponse?... De toute manière c'est un fait qui pourrait expliquer certaines choses :

"Je ne donne des ordres qu'à ceux qui sont parfaitement et totalement soumis, car ces ordres ne sauraient être discutés ni transgressés."

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

25 octobre 1963  

Mère,

Il semble que je doive agir comme intermédiaire entre la Société Sri Aurobindo et le groupe oriya. Je t'en prie, souviens-toi de notre vieux contrat : tu fais le travail et j'en reçois le mérite. Je dois les voir aujourd'hui.

 

Très bien.

Dis à Z. que comme on attend de moi des miracles, chacun d'entre vous doit aussi en faire quelques-uns ! Avec ma tendresse et mes bénédictions.

14 novembre 1963

 

(Un groupe d'investisseurs veut économiser sur la construction d'un nouveau bâtiment. Le disciple demande à la Mère son opinion :)

 

En matière de construction, on récolte ce que l'on sème. Ils se croient très malins, mais s'ils dépensent moins, le bâtiment durera moins longtemps et ne sera peut-être même pas assez solide pour résister aux assauts de la Nature.

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Pour celui qui ne s'y connaît pas, l'apparence est la même, mais il y a une grande différence quant à la solidité et la résistance. Cela dit, ma conclusion est la suivante : "Qu'ils fassent ce qu'ils veulent."

Après tout, chacun doit apprendre sa leçon.

J'ajouterai tout de même un mot d'avertissement. Une maison mal construite ne peut pas être réparée, car le plus souvent ce sont les fondations qui sont défectueuses.

Avec mes bénédictions.

18 novembre 1963 

Mère,

Je viens de recevoir une question de la Présidente de la Société Sri Aurobindo par l'entremise de son secrétaire. On me demande si je suis prêt¹. Dis-moi ce que je dois répondre.

 

La question veut dire :

Es-tu prêt pour l'Heure de Dieu ?

Tu peux répondre : Oui.

Bénédictions.

10 décembre 1963  

Mère,

Il semble que le Divin aime à être dupé. J'ai un mot de X. disant que tu as donné ton accord pour donner le petit déjeuner aux deux enfants qui habitent avec Y.

 

Tu te trompes si tu crois que je suis dupe. C'est impossible parce que leur intention est pour moi bien plus claire que leurs paroles.

 

On a commencé par les envoyer à la Salle à manger sous prétexte que c'était urgent. Ensuite, après vérification,

 

¹La présidente de la Société était la Mère. Sa question "Êtes-vous prêt ?" a paru peu après comme message du Nouvel An 1964.

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on m'a dit qu'ils avaient reçu la permission de manger. Lorsqu'on a exigé d'eux une permission écrite, ils ont cessé de prendre leurs repas chez nous. Puis, j'ai été pressenti pour les autoriser à manger à condition qu'ils paient. Je ne sais pas ce que cela signifie. J'ai refusé. Ensuite, on m'a ait qu'ils achèteraient le lait et qu'ils offriraient l'argent à Mère. J'ai dit : "Si vous achetez du lait, l'argent doit revenir à la Salle' à manger." Ils ont accepté. Et voici maintenant ce mot disant que les deux enfants prendront leur petit déjeuner ici et te paieront dix roupies par mois. Selon nos tarifs, le petit déjeuner coûte trente roupies, pour deux et c'est s'engager sur une mauvaise pente. De tels cas se multiplient. Ce qui me surprend, c'est qu'ils reçoivent ton approbation.

 

Pas mon approbation. Mais s'il me fallait être stricte avec tous ceux qui essaient de me tromper, bien peu échapperaient à cette rigueur.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

Vers 1963

 

(Le disciple écrit à propos d'un homme qui accomplit des miracles, et les attribue à la Force de la Mère. Voici la fin de la lettre :)

Il t'attribue tous ces miracles, mais je me demande si ce genre de foire aux miracles est sans danger. C'est un peu comme mettre du vin nouveau dans de vieilles bouteilles.

Nous te voyons souvent faire des miracles, mais ils ne distribuent pas dès leur arrivée des brochures publicitaires.

 

Je n'aime pas ces miracles tape-à-1'œil — ils connaissent trop souvent une fin pitoyable.

Les ego se mettent à gonfler dangereusement dès la première pression de la Force.

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Face à tout cela, la seule attitude à prendre, c'est : "Fais de ton mieux, et laisse le Seigneur se charger du résultat."

Bénédictions.

Vers 1963 

Mère,

Mes étudiants ont appris un peu de hindi, mais ils mettent un point d'honneur à refuser de le parler correctement. Cela fait maintenant cinq ans que j'essaie. Mes meilleurs étudiants eux-mêmes parlent très mal quand j'ai le dos tourné. J'ai envie d'abandonner l'enseignement l'an prochain.

 

Essaie encore deux ans, peut-être qu'après sept ans leur "honneur" cédera!...

Bénédictions.

Vers 1963 

Mère,

J'ai appris que Z. vient te voir aujourd'hui à l'occasion de son anniversaire. Je voudrais savoir comment tu le trouves. Je l'aime bien et pourtant, à mon avis, il est insincère, malhonnête et extrêmement ambitieux. Je croîs qu'il essaie de se servir du nom de l'Ashram à des fins personnelles. •

 

J'ai vu Z. Il est plus fruste qu'autre chose ; et comme dans toutes les natures primitives, l'ego est très en avant et égoïste. Oui, on peut faire quelque chose de son ambition si on prend bien soin de lui et si on le maintient dans le droit chemin avec quelques coups sur le nez de sa vanité.

Bénédictions.

Vers 1963  

Mère,

X. m'a remis une lettre de Y. (voir la photo).

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Il se croit très important et nous ne savons pas ce qu'il vaut. Je l'ai envoyé travailler à mi-temps à la Boulangerie et à mi-temps avec Z. à la Presse [l'Imprimerie]. A la Boulangerie on lui a donné très peu de travail, mais c'est encore trop pour lui. Même si je l'envoie à Z., il ne travaillera pas. Il essaie déjà d'aller chez W., l'un de ceux auprès de qui on peut le mieux être très occupé à ne rien faire.

 

C'est précisément ce que j'ai dit à son sujet. J'ai refusé de le laisser aller chez W. Si c'est au-dessous de sa dignité de travailler, il peut partir. Nous n'avons aucunement besoin de "gens importants" ici.

Toutefois, s'il est vraiment utile à la Presse, il peut y travailler à plein temps, c'est-à-dire huit heures par jour.

Avec mes bénédictions.

14 janvier 1964  

Mère,

Je n'arrive pas à comprendre l'attitude des gens face à notre pénurie actuelle de lait et d'argent. A l'époque où j'étais étudiant, si nous entendions parler d'une famine, d'une inondation ou d'un tremblement de terre, nous économisions sur le lait, le ghee [beurre clarifié], les vêtements etc., et nous envoyions de l'argent au fonds de secours. Ici, au contraire, lorsque le corps nourricier est en difficulté, on s'efforce de donner aux pensionnaires tout ce qu'ils veulent. Nous aussi nous payions notre pension, et pourtant nous économisions sur la nourriture.

 

Malheureusement (?), la difficulté actuelle ne vient ni d'une inondation, ni d'une famine, ni d'une guerre, ni d'un tremblement de terre, ni d'un incendie ni d'aucune de ces catastrophes qui éveillent les sentiments des hommes et les induisent pendant un moment à dominer ces désirs matériels que l'on appelle "besoins".

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En général, les problèmes d'argent dessèchent les gens et les rendent même amers, sinon révoltés. Et j'en connais quelquesuns qui sont sur le point de perdre leur FOI parce que je n'ai pas tout l'argent dont j'ai besoin !

6 février 1964  

Mère,

Après vingt-six ans d'efforts, je trouve que je suis encore loin d'avoir la foi. Des incidents mineurs peuvent m'ébranler, et le font. Je me demande si tu réussiras jamais à me transformer.

 

Je suis sûre de réussir un jour.

 

Intérieurement, il semble y avoir une amélioration; extérieurement, une sorte de désintégration paraît être à nos portes. Où en sommes-nous ?

 

Aux portes d'une magnifique réalisation.

Tendresses et bénédictions.

16 mars 1964 

Mère,

On m'a demandé si les disciples de Sri Aurobindo et de la Mère pouvaient ou non rendre un culte à Rama, à Krishna et aux autres dieux, s'ils doivent célébrer des cérémonies religieuses ou cesser de le faire. ]'ai répondu que nous n'avons aucune règle établie. Chacun doit se conformer à ce qu'il sent intérieurement. J'ai dit que si l'on est sincère et que l'on veut être le serviteur du Seigneur, on peut le devenir sans même connaître le nom de la Mère et de Sri Aurobindo, que la Mère répondra sous la forme de Râdhâ, de la Vierge Marie ou de Hanumân. Tout dépend de la sincérité et de la foi. Nous ne demandons ni d'organiser des cérémonies religieuses, ni de cesser de le faire. Qu'en dis-tu?

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Tout à fait juste.

Tendresses et bénédictions.

23 mars 1964 

Mère,

En général, quand je dois faire face à une opposition violente, j'appelle ta paix et la personne en face de moi se calme. Hier, j'ai essayé d'agir ainsi avec le jeune Pendjabi. Cela a paru faire de l'effet pendant un moment, puis il a eu une réaction très violente qui m'a rendu plutôt nerveux. Que faire en pareil cas?

 

Couper le lien, d'un coup si c'est possible pour que tombent les vibrations d'agressivité.

 

Quelquefois, quand j'ai pitié d'une personne malade, mon corps commence à manifester les symptômes de sa maladie. Comme j'ai été étudiant en médecine, mon imagination travaille aussi. Quand cela arrive, cela ne s'en va pas en dépit de tous mes efforts, mais cela disparaît par un mot brusque de ta part. Alors, il me faut de nouveau te déranger. Le diabète de X. se fait des amis dans mon corps. Si seulement je pouvais apprendre à ne pas sortir de ta protection.

 

Le meilleur moyen, c'est d'appeler la Divine Présence de Vérité et d'Harmonie pour qu'elle remplace les vibrations de désordre et de confusion.

Bénédictions.

25 mars 1964  

Mère,

Le frère de Y. veut monter une affaire à Bombay. Il veut mettre le nom de Sri Aurobindo dans le nom de la compagnie. Je lui ai dit que ce n'était pas convenable de se servir de ce nom.  

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Il ne doit pas utiliser le nom de Sri Aurobindo.

5 mai 1964  

Mère,

Voici une plaisanterie. Dans Purodha/'attribue deux colonnes aux extraits des œuvres de Mère et Sri Aurobindo. Je ne mentionne pas toujours' le titre du livre dont ils proviennent. Maintenant, Z. m'a envoyé un mot m'avertissant que c'est illégal et que les auteurs pourraient me faire un procès ! Je brûle de savoir devant quel tribunal vous allez tous deux me traîner. Si le tribunal m'inflige une amende, c'est sûrement la Présidente de la Société Sri Aurobindo qui paiera !

 

Il me semble que tu n'as pas à t'inquiéter ! À ma connaissance, ce tribunal n'existe pas et tu ne risques pas d'avoir une amende.

Bénédictions.

23 mai1964 

Mère,

X. et Y. sont devenus ennemis jurés. Je suis fatigué de les entendre se plaindre. Hier Z. et W. ont sauvé la situation : sinon les deux adversaires auraient reçu quelques bons coups dans la Salle à manger l Je fais de mon mieux, mais je ne peux trouver aucune raison valable à leur querelle. Je t'en prie, viens-nous en aide.

 

C'est la chaleur ! Mon conseil : une douche froide.

Bénédictions.

27 mai 1964  

Mère,

J'aimerais publier un éditorial sur Nehru dans la revue hindie Purodha.

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J'ai pensé à ton message¹, suivi au testament de Nehru, ce passage où il parle de son corps qui se fond à la terre de l'Inde. J'aimerais terminer par un message sur l'avenir de l'Inde. As-tu des suggestions ?

 

Très bien. Aucune suggestion, si ce n'est que l'Inde a devant elle un avenir lumineux, quelle que soit l'obscurité qui règne à présent.

Bénédictions.

 

L'autre jour j'ai rêvé qu'on gardait un grand nombre de cochons — petits et grands — dans la Salle à manger pour les tuer. Je voulais m'enfuir. Puis, j'ai pensé, "Si Mère le veut, qu'il en soit ainsi." Cela m'a fait une très forte impression.

 

Ce rêve est le résultat de tes vieux samskâras² encore vivants dans ton subconscient; Je n'ai nullement l'intention de tuer des cochons, à moins qu'ils ne soient le symbole de l'avidité et de la gloutonnerie.

Bénédictions.

10 juin 1964 

Mère,

Parfois j'ai des entretiens personnels avec mes élèves. Certains, parmi les bons, accordent une telle importance à l'argent que j'en suis choqué. Ils veulent être médecins pour gagner plus d'argent ! Je me demande si je puis organiser un débat, dans le cadre de la Hindi Sabhâ,

 

¹Voici le message de la Mère, diffusé lors du décès de Jawaharlal Nehru le 27 mai 1964 : "Nehru a quitté son corps, mais son âme est unie à l'Âme de l'Inde qui vit pour l'Éternité."

²samskâras : les formations mentales fixes ; les impressions laissées par les vieilles habitudes ou les expériences accumulées dans les parties subconscientes de l'être dans cette vie ou dans des vies antérieures.

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sur le sujet suivant : " L'argent est-il dans la vie la chose la plus importante ?" Cela leur donnera-t-il l'occasion d'y réfléchir sérieusement ? Je me le demande.

 

Oui, essaie, c'est très nécessaire. De nos jours, l'argent semble être devenu le Seigneur suprême. La Vérité recule à l'arrière-plan ; quant à l'Amour, on l'a perdu de vue !

L'Amour divin, naturellement, car ce que les hommes appellent amour est un. très bon ami de l'argent.

Bénédictions.

13 juin 1964  

Mère,

J'ai une question à te poser, si tu veux bien y répondre : chaque fois que X. et ceux qui travaillent avec lui s'en prennent à moi, ou à la Salle à manger, c'est à nous que tu fais des reproches. "Pourquoi? Il n'en va pas de même dans les autres cas.

 

R., pour l'amour de Dieu, ne sois pas aussi stupide que les autres.

Je ne fais de reproches à personne, et je ne prends jamais parti. Ma façon de voir est quelque peu différente. Pour ma conscience, toute la vie sur terre, y compris la vie humaine et toute sa mentalité, est une masse de vibrations — pour la plupart des vibrations de mensonge, d'ignorance et de désordre —, dans lesquelles sont à l'œuvre, de plus en plus, des vibrations de Vérité et d'Harmonie qui viennent des régions supérieures et se fraient un chemin à travers la résistance. Dans cette vision, le sens de l'ego, les revendications personnelles et l'individualisme deviennent tout à fait irréels et illusoires.

Quand une confusion supplémentaire se crée dans la confusion existante, je dirige sur elle des vibrations spéciales pour rétablir autant que possible une meilleure harmonie. Ce ne sont pas les individus en tant que tels qui sentent le "coup",

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c'est leur propension à s'accrocher à la désharmonie ou à prendre parti pour elle.

À vrai dire, j'étais sûre que tu prendrais d'instinct le parti de la Vérité, et que tu comprendrais que dans de tels cas on ne peut jamais dire que les uns ont raison et les autres tort, mais que tous sont à blâmer dans la mesure où ils adhèrent au mensonge et à la confusion.

15 juillet 1964  

Mère,

Il n'était absolument pas question que tu prennes parti. Aucun sentiment de dépit n'a motivé ma question. ]'ai fait tous les efforts possibles pour établir des rapports harmonieux avec X. Et j'ai continué avec persévérance et pendant très longtemps, ce que je n'ai fait pour personne d'autre, et pourtant ces efforts ont toujours lamentablement échoué. Je voudrais en savoir la raison.

 

Le vital de certaines personnes attire toujours le manque d'harmonie, les querelles mesquines et la confusion ; en général, elles ont aussi une sorte de manie de la persécution et croient que tout le monde est contre elles. La guérison est très difficile et exige une transformation radicale de la nature.

Lorsqu'on a affaire à ces personnes, le mieux est de ne pas prêter attention à leurs réactions, et de continuer à faire son travail avec simplicité et sincérité. Dans ce cas particulier, X. a reçu de moi la plus sévère remontrance que je lui aie jamais faite, et cela aura peut-être un effet.

Avec mes bénédictions.

15 juillet 1964  

Mère,

Un étudiant m'a demandé pourquoi le temps semble passer si vite. Je crois que cela a quelque chose à voir

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avec le sens inné de l'éternité en nous. Ce n'est pas clair pour moi.

 

Quand on vit en contact avec l'harmonie universelle, le temps passe sans laisser de trace.

 

Quelques-uns des meilleurs poètes en sanscrit et autres langues indiennes ont célébré Krishna et Râdhâ d'une telle manière qu'ils donnent l'impression de parler de désir charnel et d'appétit sexuel. Il est dit quelque part qu'il ne s'agit pas d'une simple obsession sexuelle. Peut-être les poètes ne pouvaient-ils pas trouver un autre langage pour décrire le contact avec le Divin sur les plans vital et physique et la soumission totale des émotions et du corps. Cette question se pose souvent.

 

J'ai toujours pensé qu'il y avait là une impuissance à trouver les mots justes et un langage approprié.

17 juillet 1964

 

(Au milieu de l'année 1964, il y eut une sérieuse pénurie de lait à l'Ashram parce que beaucoup de vaches avaient contracté la fièvre aphteuse, four compléter la ration réduite de lait, on a donné du lait en poudre, avec l'autorisation de la Mère, ce qui a provoqué des réactions très vives chez beaucoup de personnes. En général, cette période était pleine de difficultés matérielles accompagnées de nombreuses rumeurs et de sombres pressentiments au sujet de l'avenir de l'Ashram. Le disciple/ait allusion à ces faits dans sa lettre à la Mère.)

 

Oui, toutes ces rumeurs fausses et idiotes me sont revenues après avoir fait le tour de l'Ashram. Je n'y ai attaché aucune importance. .

J'espère que ceux qui sont fidèles et ont du bon sens ne vont pas perdre leur temps à écouter tout cela.

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J'étais au courant de tout ce que tu dis au sujet de cette affaire de nourriture — mais tu admettras qu'il y a toujours une façon d'améliorer son action et de la rendre plus lumineuse et plus complète.

Quant au lait en poudre, pour une fois je vois les choses comme Y. Son goût est détestable et son effet sur le corps est pire encore ; j'ai été témoin de nombreux cas d'empoisonnement par le lait en poudre et je ne suis pas prête à courir un tel risque.

Quand l'argent manque, il doit être remplacé par un immense effort de bonne volonté et d'organisation. C'est cet effort que je demande, un triomphe sur le tamas et sur une paresseuse indifférence.

Je ne veux pas que qui que ce soit abandonne la partie, mais je veux que chacun se dépasse lui-même.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

18 juillet 1964

 

(Le disciple a expliqué à la Mère certains problèmes relatifs à son travail et termine ainsi :)

S'il te plaît, donne-nous ce dont nous avons besoin pour continuer le travail sans heurt en ces temps difficiles.

 

Une foi vigilante sauvera la situation.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

6 août 1964  

Mère,

X. me dit que Y. et Z., qui sont dans son département, négligent complètement leur travail. La machine dont Z. est responsable est couverte de poussière. Le jeune W. lui inculque toutes sortes de mauvaises habitudes. Je ne sais que faire.  

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Le mauvais fonctionnement d'une équipe provient toujours de l'absence d'une conscience adéquate chez les chefs.

Une vision claire et précise de ce qui doit être fait et une volonté soutenue, calme et ferme de le faire faire sont les conditions essentielles pour qu'une organisation soit menée comme il faut. Et en règle générale, il ne faut jamais exiger des autres des vertus que l'on ne possède pas soi-même. J'ai fortement l'impression que le service de X. n'est pas supervisé comme il le devrait.

25 août 1964 

Mère,

Pour ma gouverne, je voudrais savoir pourquoi il n'est pas souhaitable que X. reste. En février elle a travaillé avec nous pendant dix jours, près de douze heures par jour, et ces dernières six semaines, elle a fait environ dix heures par jour et pourtant quelque chose m'empêche de la recommander.

 

Ton impression vient probablement du fait qu'elle a utilisé toutes sortes de moyens (certains pas très droits) pour rester ou pour revenir, ou pour rester ici après qu'on lui ait dit très clairement que je voulais qu'elle parte. A cause de cela on ne peut pas dire ce qu'elle serait et ferait une fois admise à rester ici en permanence. Bénédictions.

26 août 1964

 

(Le disciple écrit à Mère au sujet d'une femme qui persistait à vivre à l'Ashram, bien que la Mère lui ait demandé de partir. Aucun de ceux qui en, ont l'autorité ne veut insister pour qu'elle parte. La lettre se termine ainsi :)

Je ne sais pas qui devrait s'occuper de tout cela, ou peut-être sommes-nous dans une période d'anarchie. X.,

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Y. et 7.., sont tous les trois au courant de son cas mais ne font rien.

 

Eh bien, ce qu'il y a de mieux à faire c'est de le prendre avec un sourire ! ... il semble que ce soit inévitable... du moins pour le moment.

C'est quand les choses vont de travers que se présente la meilleure occasion de faire preuve de bonne volonté et d'un esprit de véritable collaboration.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

31 août 1964

 

Tu avais proposé qu'on demande au fils de X. de l'aider, mais il a monté sa propre entreprise avec Y. Il ne travaille plus pour l'Ashram : comme tant d'autres, il vit à l'Ashram et travaille pour son propre compte.

 

C'est précisément cela qui mène l'Ashram à sa ruine financière.

14 septembre 1964  

Mère,

Une question puérile : les animaux et les oiseaux sont-ils sensibles comme nous au goût de la nourriture ?

 

Oui, mais ils n'y pensent pas comme nous.

Bénédictions.

22 septembre 1964  

Mère,

On envisage de fonder une école primaire à Ludhiana pour le compte de la Société Sri Aurobindo. Les gens de la région voudraient commencer par ouvrir une école secondaire. Ils peuvent la subventionner. La difficulté principale serait le recrutement des enseignants : peut-on prendre une décision aussi importante et maintenir l'école sous ton influence ? Qu'en dis-tu ?

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Il faut d'abord trouver les professeurs et ensuite ouvrir l'école.

Bénédictions.

23 octobre 1964 

Mère,

Un sannyâsî oriya dont le nom est Z. est venu s'installer ici. Au bout de quelques mois, il a quitté son sannyas pour devenir un être humain. Il aime beaucoup méditer. Son corps frissonne et tremble quand il ferme les yeux. Il ressent de la joie etc., mais parfois il voit des serpents autour de lui et sur lui; parfois il se trouve au milieu d'animaux sauvages. Le 4 ou le 5 il a fait une véritable scène dans le hall de méditation. Je lui ai conseillé de ne plus méditer jusqu'à ce que je reçoive une réponse de toi.

 

Il devait avoir peur (peut-être dans son subconscient) des conséquences de son rejet de la robe de sannyasi, et cette peur a pris la forme d'attaques de serpents etc. Tu peux lui dire de ne pas avoir peur, que je suis au courant et que personne ne lui fera de mal.

Qu'il essaie à nouveau de méditer avec l'assurance d'être protégé. Mais il ne doit pas essayer d'abord de le faire en public. Si ses méditations deviennent calmes, alors il pourra de nouveau méditer avec les autres.

Bénédictions.

7 décembre 1964  

(Le disciple raconte à Mère la discussion qu'il a eue avec quelqu'un à propos du travail. Sa lettre se termine ainsi :)

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Pour nous, la seule certitude était la suivante : "Tout ce que Mère accepte comme travail, est notre travail. "Je ne suis pas désespéré ; cela m'amuse et je dois continuer à faire ce qui, à mes yeux, n'est pas même l'ABC du travail! ! — simplement parce que dans ta compassion, tu l'acceptes !

 

R., tu es en train de devenir très sage et tu 'es prêt à réaliser que nous ne sommes rien, ne savons rien et ne pouvons rien. Seul le Divin Suprême sait, agit et est.

Tendresses.

1964 

Mère,

Des travailleurs de la Salle à manger voudraient utiliser un peu de cristaux de soude de temps en temps. L,'autorises-tu ?

 

Pas très fameux pour l'estomac !

 

Et du tamarin ?

 

D'accord.

Bénédictions.

1964  

Mère,

Une question personnelle. Tu nous as permis d'utiliser le tamarin à la cuisine. Mais il y a une vingtaine d'années, tu m'avais sévèrement réprimandé pour avoir préparé pour X. une boisson au tamarin. Tu m'avais dit que c'était mauvais pour la santé, et que c'était une des causes de la léthargie des Indiens. Nos sages, dans l'antiquité, disaient à peu près la 'même chose. J'aimerais savoir si les valeurs ont changé ou si tu fais une concession aux désirs humains.

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J'ai entendu dire tant de choses contradictoires sur les effets de la nourriture, des épices, etc., que j'en suis arrivée à la conclusion logique que ce doit être — comme pour tout le reste — une question personnelle et que, par conséquent, on ne peut établir, et moins encore imposer, une règle générale.

C'est la raison de mon indulgence.

Bénédictions.

1964  

Mère,

X. (photo ci-jointe) travaille avec moi. Il a très peur de devenir de plus en plus faible. Il ne peut pas digérer les tomates, le beurre, le pain et les légumes. Il a de la filariose et fait de l'aérophagie. Il veut que je le change de travail; il reconnaît que son travail n'est ni pénible ni important. Mais il dit que même cela est encore trop pour sa santé. Si je lui dis quelque chose il croit que je veux simplement le faire travailler sans égard pour son corps. Il ne veut faire qu'un travail de bureau.

 

La force vitale est très faible et les suggestions du mental plutôt fortes. Fais ce qu'il demande pendant quelque temps. Il découvrira peut-être que tout cela est de l'imagination, car c'est son imagination qui le rend malade ou plutôt qui lui donne l'impression d'être malade.

1964

 

(Le disciple écrit au sujet des difficultés de l'Ashram et conclut :)

Le père d'un ami de Y., âgé et très faible, a une dilatation de la prostate. Son état est grave. Le médecin conseille l'opération. On demande tes conseils et tes bénédictions.

 

Il est fort probable que la fin approche. Tout dépend de sa nature et de sa volonté. S'il préfère s'en aller tranquillement et sans lutter,

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qu'il reste tranquille et qu'il tienne aussi longtemps qu'il peut. S'il aime se battre, qu'il soit opéré et voie ce qui se passe. En tout cas, mes bénédictions sont avec lui.

Quant à la situation présente de l'Ashram, elle est telle que tu le dis et probablement pire. Je dirai comme Sri Aurobindo : à moins que la conscience ne change, rien ne peut vraiment être fait.

Tu interviendras — et c'est bien, à titre d'exemple et de démonstration —, mais le lendemain ce sera pire.

Nous ne pouvons même pas faire descendre la Vérité pour qu'elle se manifeste. Le mensonge est si largement et si profondément répandu que le résultat serait une destruction massive. Et pourtant la Grâce est infinie... Il se pourrait qu'elle trouve un moyen. Bénédictions.

1964  

Mère,

J'ai le grand regret de te dire qu'une vague de profond mécontentement se répand parmi les travailleurs de l'Étang. Si j'en parle à X., il s'enflamme :' "Le travail marche magnifiquement, etc., etc."

 

Les gens sont ici pour changer de conscience. À moins qu'ils ne deviennent, tous autant qu'ils sont, fidèles à leur but, rien de vrai ne pourra être fait.

1964  

Mère,

Au début du mois prochain, X. s'en va dans le Nord. Presque toutes ses affaires se font au Bengale occidental, en Assam et au Sikkim. Son commerce marche bien, mais il doit vendre à crédit. Il veut savoir s'il peut continuer.

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Faire du commerce honnêtement devient de plus en plus aléatoire.

 

Il y a une certaine Y., à qui on a donné du travail. au dortoir "Réconfort",¹ a dû s'arrêter pour cause de maladie. Elle a beaucoup de problèmes de digestion et aussi un trachome. Elle est venue ici en désespoir de cause. Quand elle travaille, elle travaille bien, mais elle est couchée la plupart du temps. Maintenant elle veut mourir.

 

Ceux qui se sentent malheureux ici et trouvent qu'ils n'ont pas le confort nécessaire ne devraient pas rester. Dans notre situation, nous ne pouvons pas faire mieux, et après tout, notre but n'est pas d'offrir aux gens une vie confortable, mais de les préparer à une Vie divine, ce qui est une tout autre histoire.

1964  

Mère,

D'habitude, en octobre ou novembre, je recevais mon approvisionnement en fruits secs et kakis. S'il te plaît, vois s'il est possible de faire quelque chose.

 

Ce qui est vraiment nécessaire viendra sûrement.

Bénédictions.

1964 

Mère,

En ce qui concerne le travail, je serai certainement très heureux de recevoir l'aide de volontaires. Je deviens un peu tendu lorsqu'il s'agit d'argent, et distribuer davantage de dal, d'huile, d'épices, etc., fait justement partie des finances.

 

¹L'un des dortoirs des enfants de l'école de l'Ashram.

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Ce n'est pas tant une question de finance que de rationnement, semble-t-il (pénurie de céréales, etc.).

Mais je suggère que nous fassions simplement ce qui est juste et raisonnable, sans trop penser à l'avenir, laissant la Grâce divine s'en charger (de l'avenir).

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

1964 

Mère,

J'ai reçu encore une lettre de X. qui exige de l'argent et du charbon...

 

Il va sans dire que ma force et mon aide sont intensément avec tous ceux qui, à mes côtés, combattent cet état de choses. Et tout ce que je leur demande, c'est d'avoir confiance et de persévérer. La Vérité finira par triompher. Bon courage !

Tendresses et bénédictions.

11 février 1965

 

(Au mois de février 1965, un certain nombre de bâtiments de l'Ashram ont été attaqués à coups de pierre, pillés ou brûlés, de toute évidence dans le cadre d'une manifestation anti-hindi. Lorsque le bâtiment principal de l'Ashram a été attaqué, un grand nombre de ceux qui étaient à l'intérieur sont sortis pour repousser les assaillants. Le disciple, lui, était resté à l'intérieur de l'enceinte parce qu 'il n'éprouvait aucune impulsion à résister physiquement à la menace. V ne force très grande circulait dans son corps comme un courant électrique et au-dedans il était calme. Il décrit cette expérience à la Mère et conclut ainsi :)

J'ai senti que si je pouvais être confiant et paisible et t'appeler à l'aide, rien ne pourrait toucher l'Ashram. J'ai même circulé dans l'Ashram dans cet état. Il a duré tard dans la nuit, au-delà de 23 heures.

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J'avais eu un avant-goût de cette expérience dans le passé, mais elle n'avait jamais duré plus de quelques instants. Maintenant je commence à me demander si ce n'était pas une manière de déguiser ma pusillanimité?

 

Ne mets jamais en doute une telle expérience. C'est exactement l'état dans lequel tous auraient dû se trouver, celui que j'ai essayé de faire descendre sur l'Ashram, et s'il avait été partagé par tous, rien n'aurait pu arriver, les attaques les plus violentes auraient été vaines.

Bénédictions.

18 février 1965 

Mère,

Je t'implore de sauver l'Inde des Indiens.

 

Oui, cela semble tout à fait nécessaire.

Tendresses et bénédictions.

25 février 1965 

Mère,

J'aimerais savoir si on peut autoriser les domestiques qui viennent chercher les légumes frais à entrer par la porte ouest de la Salle à manger.

 

Tu sais que c'est sans enthousiasme que je vois les domestiques manipuler la nourriture — mais beaucoup de gens semblent aimer cela, par paresse, je suppose !

26 février 1965 

Mère,

Dans le prochain numéro de Purodha, je publie une note de Y. au sujet de l'attaque de l'Ashram; c'est

simplement un compte rendu de ce qui est arrivé, sans coloration sentimentale, et accompagné de ta déclaration.

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Je t'envoie une copie de ce compte rendu tel qu'il paraîtra dans le Bulletin et qu'il doit paraître à partir de maintenant dans toutes les publications qui veulent en parler ; comme tu le verras, je n'en ai gardé que la partie positive. Le reste a fait son œuvre et n'est plus nécessaire.

9 mars 1965

 

(Compte rendu de la Mère sur l'attaque de l'Ashram.)

 

Déclaration

 

Certains, qui voient les choses d'une manière superficielle, pourraient se demander comment il se fait que l'Ashram, qui existe dans cette ville depuis tant d'années, n'est pas aimé de la population ?

La première réponse qui vient à l'esprit, c'est que tous ceux qui, dans cette population, sont d'un niveau plus élevé, par la culture, l'intelligence, la bonne volonté et l'éducation, ont non seulement bien accueilli l'Ashram, mais aussi exprimé leur sympathie, leur admiration et leurs bons sentiments. A Pondichéry, l'Ashram a beaucoup de partisans et d'amis sincères et fidèles.

Cela dit, notre position est claire.

Nous ne luttons contre aucune croyance, aucune religion.

Nous ne luttons contre aucune forme de gouvernement.

Nous ne luttons contre aucune caste, aucune classe sociale.

Nous ne luttons contre aucune nation, aucune civilisation.

Nous luttons contre la division, l'inconscience, l'ignorance, l'inertie et le mensonge.

Nous nous efforçons d'établir sur terre l'union, la connaissance, la conscience, la Vérité; et nous luttons contre tout ce qui s'oppose à l'avènement de cette création nouvelle de Paix, de Vérité et d'Amour.

16 février 1965

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Mère,

On me ait que le récent déchaînement de violence contre l'Ashram est le résultat de la colère de Mahâkâlî et que tu aurais dit que ce ne sera pas le dernier. Je croyais que c'était un acte des forces hostiles. Si c'est vraiment l'œuvre de Mahâkâlî, alors ne doit-on pas lui faire bon accueil?

 

Les gens déforment toujours ce que je dis. Mieux vaut ne pas les écouter. Mais j'ai écrit quelque chose à ce sujet et bientôt je t'en enverrai Une copie.

Il n'est pas question de faire bon accueil à la destruction, mais d'apprendre la leçon qu'elle donne,

9 mars 1965

 

(Exposé de la Mère sur le travail de Kâlî.)

 

Derrière toutes les destructions, que ce soit les immenses destructions de la Nature, tremblements de terre, éruptions volcaniques, cyclones, inondations etc., ou les violentes destructions humaines, guerres, révolutions, révoltes, je trouve le pouvoir de Kâlî qui travaille dans l'atmosphère terrestre pour hâter le progrès de la transformation.

Tout ce qui est non seulement divin dans son essence, mais aussi divin dans sa réalisation, est de par sa nature même au-dessus de ces destructions et elles ne peuvent pas le toucher. Ainsi l'importance du désastre est à la mesure de l'imperfection.

La véritable manière de prévenir la répétition de ces destructions est d'en apprendre la leçon et de faire le progrès nécessaire.

10 mars 1965 

Mère,

Je te suis reconnaissant du message que tu m'as envoyé.

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Est-il seulement pour moi ou peut-on le publier aussi dans Purodha? Je voudrais savoir pourquoi on ne doit pas prier pour l'intervention de Mahâkâlî si la destruction qu'elle apporte sert seulement à hâter ton travail. J'ai remarqué que quand tu nous grondes, nous sentons derrière nous ta main qui nous soutient pour que nous ne tombions pas. Si quelques coups de sa part peuvent nous faire marcher droit sur ton chemin, pourquoi ne pas lui faire bon accueil ?

 

Le message va paraître dans le Bulletin. Il vaut mieux le laisser tel quel. Ce serait trop facile de le comprendre d'une manière intellectuelle et partielle, et les résultats seraient catastrophiques. Elle n'est pas le seul pouvoir à l'oeuvre dans le monde. Il y a aussi l'Amour et la Grâce.

Bénédictions.

16 mars 1965 

Mère,

Je sais qu'il est inutile de t'importuner, mais je ne peux pas m'en empêcher. X. est en train d'essayer de faire entrer une de ses parentes en fraude dans l'Ashram. Elle sera absolument inutile. Elle fait des crises et elle a de nombreuses maladies. On me demande de lui donner du travail, mais pas à la Salle à manger, pas à l'école, rien qui puisse la surmener ! Tu ne la connais peut-être même pas et elle va de l'avant joyeusement avec "la permission de Mère".

Extérieurement la situation devient de plus en plus sombre. Mais tu es ici et j'espère que tu es suffisamment puissante.

 

Je ne sais pas si^'e suis puissante ou non (parce qu'on ne sait pas trop où est le je), mais le Seigneur, Lui, est tout-puissant, à cela il n'y a aucun doute, et Il s'occupe de cette affaire.

Tendresses.

20 avril 1965

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(La Mère préfère que l'on utilise de l'huile de coco pour préparer les repas de la Salle à manger, mais la plupart des sâdhaks préfèrent l'huile d'arachide. Le disciple explique cela à la Mère et lui demande s'il serait possible de vendre au marché des noix de coco produites par l'Ashram pour financer l'achat d'huile d'arachide.)

 

Cette histoire de noix de coco est l'une des plus grandes stupidités de l'Ashram. A un moment donné j'avais envie de protester contre une telle sottise. Maintenant je souris et j'ai envie dé les laisser faire ce qu'ils veulent. J'insiste cependant sur un point : il faut garder des noix de coco vertes pour en boire le lait, car c'est très bon pour la santé. A part cela, on peut vendre celles qui sont mûres et acheter de l'huile d'arachide pour la cuisine.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

5 juin 1963 

Mère,

Un ami qui vient souvent ici m'a posé une question. Je me suis contenté de rire et de me dérober, car je ne connais pas la réponse. Il dit qu'autrefois, quand il venait ici, il trouvait une sorte d'austérité et un souci d'économie. Maintenant que la situation du pays a empiré, il voit abondance et prodigalité. Il en conclut que la Mère a attiré toutes les forces de pauvreté etc. sur l'Ashram, a agi sur elles et les a chassées ; alors on ne voit plus que les répercussions sur le pays qui bientôt sera prospère.

 

C'est une façon de parler de quelque chose, d'une action à grande échelle qu'il est difficile de formuler.

13 juin 1965 

(La lettre suivante, adressée au disciple, a été envoyée à la Mère pour qu'elle prenne une décision :)

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"R., je me permets d'attirer votre attention sur les faits suivants : un homme de notre village est venu ici. Il nous prie instamment de lui permettre de rester ici. Il est prêt à faire n'importe quel travail. Il sait un peu jardiner et paraît travailleur. Il dit qu'il a l'habitude de travailler dur malgré son âge. Pourriez- vous faire le nécessaire. Merci."

Transmis au Suprême.

Cet homme a plus de 70 ans. Il paraît très âgé. Si Mère veut le garder, Y. peut le prendre à l'essai à l'annexe du jardin Maret. Z. le logera.

 

Ma vision dit : non.

Ma pitié dit : prenons-le à l'essai.

Ma raison dit que c'est de cette façon que nous nous ferons prendre.

Bénédictions.

19 juin 1965 

(Le disciple transmet à la Mère la lettre suivante d'un travailleur de la Salle à manger.)

"Chère Douce Mère,

Je travaille à la Salle à manger depuis six ans. A la mort de ma femme, j'ai quitté mon foyer pour venir à l'Ashram, confiant mes deux filles et un fils aux soins de ma belle-mère. Mes filles ont maintenant quatorze et neuf ans et mon fils a dix ans. Ma belle-mère a très peu de moyens et maintenant, elle ne peut plus les entretenir. Je vous prie de faire venir ici ces enfants sans mère et de leur permettre de grandir sous votre protection. J'attends de votre bonté approbation et permission. "

 

C'est bien gentil, je voudrais bien "abriter" le monde entier, ou du moins tous ceux qui aspirent à une vie meilleure. Mais nous manquons de place et de moyens.

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Tu peux lui dire que je viens de refuser à X., qui travaille à la Blanchisserie, la permission de faire venir sa femme et sa fille...

C'est plutôt un délai qu'un refus.

Que la ville s'étende et que nos moyens s'accroissent, et notre hospitalité aussi s'élargira.

Bénédictions.

20 juin 1965  

Mère,

Les gens qui font la cuisine chez eux n'aiment pas l'huile de coco que nous leur donnons. Ils voudraient de l'huile d'arachide à la place.

 

On leur a donné de l'huile de coco, c'est pourquoi ils veulent de l'huile d'arachide ; mais partout, même en Europe, on considère que l'huile de coco est de meilleure qualité et bien plus facile à digérer.

Ce sont toutefois de très petites choses que l'on peut amé- nager selon leurs désirs.

24 juin 1965  

Mère,

Simplement pour information : je n'attends pas de réponse.

Il y a quelques mois Y. a fabriqué une marmite en inox pour le riz. Nous avons fait de nombreux essais avec cet ustensile. Quand ils ont réussi, il nous en a donné une autre. Il en donnera davantage en juillet. Il dit que fin juillet nous devrions pouvoir cuire tout notre riz à la vapeur.

Mais aujourd'hui Z. a commandé d'autres marmites en aluminium pour que nous en ayons suffisamment pour les cinq mille personnes que nous attendons en février 1968.

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En temps normal, je ne t'aurais pas parlé de ces petits détails, mais il vaut mieux que tu le saches, pour éviter un double emploi et pour que tu n'aies pas à dépenser de l'argent deux fois pour la même chose.

 

Bien que tu ne me demandes pas de réponse, je dois te dire que j'ai donné mon accord pour les marmites demandées à Y. ; mais on ne m'a rien dit au sujet des marmites en aluminium que je désapprouve, parce que l'aluminium n'est pas bon pour la cuisine. Je parie d'expérience.

Bénédictions.

26 juin 1965 

Mère,

Il m'est très désagréable d'avoir à t'ennuyer tout le temps, mais je suis obligé de t'écrire à nouveau. Les récipients d'aluminium sont destinés seulement à la cuisson du riz. Je les croyais sains pour des aliments qui ne contiennent ni sel ni acide. Mais si tu n'approuves pas, nous pouvons annuler la commande.

Je t'informe en passant que lorsque nos cuvettes en émail importées de France ont été mises au rebut, nous nous sommes procuré des cuvettes indiennes pour le curd [lait caillé], mais l'émail était de si mauvaise qualité, qu'au bout de deux jours, elles sentaient mauvais et étaient décolorées. Nous avons dû prendre des cuvettes d'aluminium car nous n'avions rien de mieux pour mettre le curd. Cela continue. Dans les villages ils utilisent des pots en terre, mais ici cela crée beaucoup de problèmes. Nous pouvons essayer un meilleur émail, si tu veux.

 

Je n'approuve pas l'aluminium parce qu'il donne une couleur noire et un goût désagréable aux aliments. Mais si cela n'a pas le même effet sur le riz, alors ça va bien.

Pour le curd ce n'est certainement pas recommandé.

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Des récipients en terre seraient beaucoup mieux. Le mieux serait qu'ils soient bien émaillés.

Bénédictions.

27juin 1965

 

(Le disciple a été informé que la Mère voulait qu'il fasse un certain travail désagréable. Quoique disposé à le faire, il était surpris de cette demande et a écrit à la Mère. Sa lettre se termine ainsi :)

J'espère que ma relation avec toi est telle que tu n'as pas besoin de me demander si je veux faire ceci ou cela. J'espère que tu n'as pas à hésiter avant de me demander de faire un certain travail, agréable ou désagréable.

 

Non, quand je veux que tu fasses quelque chose, je te le dis directement, sans intermédiaire, sans me préoccuper de savoir si cela te plaît —parce que quand je te demande quelque chose, je suis sûre que cela doit te plaire.

Avec ma tendresse.

27 juillet 1965 

Mère,

Chaque jour Z. me raconte ses malheurs. Selon moi, il faut accepter sans réserve tout ce qui vient de toi. Je sais que ce n'est pas facile ; mais on devrait t'en parler, ou même se disputer avec toi, et alors le problème serait résolu. Après tout, qui d'autre que toi peut nous aider dans nos difficultés ? Cette idée ne lui plaît pas. Je ne sais pas comment l'aider. Veux-tu me dire pourquoi son attitude, sur ce point particulier, est si rigide, et pourquoi il se trouve toujours plongé dans un océan de difficultés ?

 

Là encore, c'est le manque de foi du mental humain qui crée les complications et provoque la souffrance, alors que tout

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serait si simple et si facile si l'on avait une foi paisible en la Direction Divine.

C'est à la croissance de cette foi et de cette confiance que je travaille depuis tant d'années. Manifestement, la résistance est obstinée.

Bénédictions.

11 août 1965  

Mère,

J'avais l'habitude de me moquer des gens qui disaient qu'ils ne digéraient pas la nourriture de la Salle à manger. Quelle ironie : maintenant j'éprouve quelque difficulté à digérer à cause des modifications apportées à cette nourriture. Je te prie d'adapter mon corps à ces changements.

 

C'est plus mental que physique.

 

Lorsqu'un problème se pose à la Boulangerie ou à la Blanchisserie, on me le soumet. J'ai trouvé un truc : je retarde la décision et au-dedans je laisse le problème entre tes mains. Automatiquement une solution vient et j'en retire tout le mérite.

 

C'est en effet le vrai moyen qui devrait être employé dans tous les cas.

 

Je ne suis pas capable d'en faire autant quand il s'agit de la cuisine et je préfère l'éviter.

 

Parce qu'il se mêle encore trop d'ego aux questions concernant la cuisine.

 

Je t'ai toujours demandé de me rendre de plus en plus utile à ton service. Depuis quelque temps il me vient à l'esprit que cela aussi, c'est une ambition et une exigence personnelle qui doivent être évitées comme n'importe quelle autre exigence, 

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qu'il faut te laisser le soin de me rendre plus utile ou bien... En apparence, cela semble être la bonne attitude, mais j'ai peur que dans mon cas ce ne soit une exigence dissimulant du tamas, de l'inertie ou du désappointement, ce qui, je le vois clairement, est une sorte de contagion venant de l'extérieur.

 

C'est toujours bien d'aspirer ; et si quelque exigence se mêle à l'aspiration, tu peux être sûr qu'elle ne sera pas satisfaite.

 

Mère,

J'espère que le problème du Cachemire¹ est un premier pas vers l'unité de l'Inde et du Pakistan,

 

La Sagesse Suprême y veille.

Il y a une chose dont nous devons être convaincus : tout ce qui arrive est exactement ce qui doit arriver pour nous conduire — et conduire le monde — le plus rapidement possible vers le but : l'union avec le Divin et, finalement, la manifestation du Divin.

Et cette foi — sincère et constante — est à la fois notre aide et notre protection.

Avec ma tendresse.

2 septembre 1965  

Mère,

Y. est en route vers le Pendjab. Il m'a envoyé un télégramme de Madras disant : "Situation changée. Câbler instructions." Je pense qu'il a un peu peur de la guerre. Puis-je répondre : "bénédictions inchangées. Continuez. " ? Il est parti avec tes bénédictions.

 

¹Le 1er septembre 1965, le Pakistan envahit l'Inde par le Jammu et Cachemire sur la frontière occidentale. Le conflit prit fin par un cessez-le-feu le 22 septembre.

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C'est vraiment la guerre là-haut, Il ne peut y aller que s'il est sans peur.

Bénédictions.

7 septembre 1965 

(Message de la Mère au Premier Ministre de l'Inde.)

 

C'est pour la Vérité et son triomphe que l'Inde se bat et doit se battre jusqu'à ce que l'Inde et le Pakistan soient redevenus un, parce que telle est la vérité de leur être.

La Mère

16 septembre 1965

 

Voici mon message pour l'occasion (corrigé¹ à cause de la situation mentale et émotionnelle du monde), avec quelques citations appropriées.

Ta lettre est la bienvenue.

Tendresses et bénédictions.

16 septembre 1965 

Mère,

À cause de la guerre et de la menace d'une invasion, tu dois avoir de sérieux problèmes d'argent. Nous avons environ quatre mille roupies sur le compte de la blanchisserie. Puis-je te prier de considérer cet argent comme t'appartenant et d'en prendre chaque fois que tu en as besoin ? Par ta grâce nous serons en mesure de tenir le coup jusqu'à des temps meilleurs. J'ai gardé cent roupies.

Je t'en prie, veille à ce que nous te soyons sincère- ment fidèles en ces jours d'épreuve. Si nous ne pouvons rien faire de positif, 

 

¹Dans le message écrit à l'intention du disciple, la Mère a barré "se battra" (l'Inde se bat et se battra jusqu'à...) et l'a remplacé par "doit se battre" ; le message officiel dit "doit se battre".

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au moins qu'on ne te crée pas de problèmes. Je prie pour que l'Inde devienne vraiment tienne.

 

Ta lettre est d'un ton bien réconfortant que je n'entends pas souvent. C'est très apprécié. Pour le moment, l'argent de la blanchisserie restera chez le caissier.

On verra plus tard ce qu'il advient de la situation financière.

Tendresses et bénédictions.

17 septembre 1965 

Mère,

Au moment de ce revers temporaire¹, je prie:  "Gloire à Toi, Seigneur, triomphateur de tous les obstacles (...) Donne-nous une foi active, ardente, absolue, inébranlable en Ta Victoire."²

 

Attendre et voir venir. Le résultat est certain, mais le moyen et l'époque sont incertains.

Bénédictions.

23 septembre 1965 

Mère,

Lorsque des gens comme X. viennent me voir pour te dénigrer, je sens une grande flamme faite de plusieurs langues de feu s'élever en moi et si cela continue je sens quelque chose que je me plais à appeler la présence de Kâlî. Aussitôt qu'elle vient la personne en face de moi se tient tranquille. Qu'est-ce que c'est ?

 

C'est certainement la force de Kâlî, celle que tu invoques.

 

¹Un grand nombre de gens, y compris le disciple, prirent l'acceptation d'un cessez-le-feu par l'Inde comme un recul sur la voie de la réunification éventuelle de l'Inde avec le Pakistan.

² Première et dernière lignes de la prière de la Mère du 23 octobre 1937.

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Ils veulent appeler l'école de Ludhiana "École Sri Aurobindo". Je crois que ton nom ou celui de Sri Aurobindo ne devrait être accordé à une institution que si son travail te donne satisfaction pendant au moins quelques années.

 

Tu as tout à fait raison.

 

Y. qui travaille avec moi prétend qu'il n'est pas en bonne santé et qu'il devrait être déchargé de la plus grande partie de son travail. Il avait l'habitude de travailler neuf heures par jour ; c'est dégringolé à cinq heures ; maintenant il ne veut plus travailler qu'une heure ou deux.

 

C'est complètement ridicule. Si ce bonhomme ne paie rien, tu peux lui dire que s'il réduit à ce point ses heures de travail, nous serons obligés de réduire sa nourriture d'autant, et alors son état de santé va empirer !

Bénédictions.

25 septembre 1965  

Mère,

Quand le blé est moulu avec la meule de pierre, le pain ne lève pas et bien que la quantité de farine soit la même, il paraît plus petit, alors les gens en demandent davantage. Si le blé est moulu avec la meule de fer, le pain gonfle davantage et donne plus de satisfaction.

 

Mais les Vitamines sont détruites par la chaleur et une partie importante de la valeur nutritive du pain est perdue.

3 octobre 1965  

R., grondes-tu tes étudiants de la classe de hindi? Réponds très franchement et je te dirai pourquoi je te pose cette question bizarre.

Bénédictions.

21 octobre 1965  

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(Le disciple explique sa manière de traiter les étudiants . de sa classe de hindi et conclut :) •

On m'a souvent dit que quand je suis sérieux j'ai l'air d'être sur le point de réprimander. Mais j'ai l'habitude de plaisanter au lieu de gronder. Je les entends toujours réagir par le rire. Mais on ne saurait dire. Il y a deux étudiants, X. et Y., qui sont très faibles ; ils ne travaillent pas et ne sont jamais réguliers. Je leur ai dit que s'ils ne veulent pas travailler, ils peuvent renoncer à étudier cette matière. Ce sont peut-être ceux-là qui me trouvent tyrannique.

 

C'est exactement ce à quoi je m'attendais. C'est une jeune fille qui m'a écrit en se plaignant que tu la faisais pleurer. J'ai pensé aussitôt qu'elle devait être parmi ceux qui refusent de progresser. Mais avant de lui dire qu'elle peut quitter la classe, je voulais être sûre...

Peut-être sais-tu qui c'est.

Tendresses et bénédictions.

22 octobre 1965

Mère,

J'ai eu un choc en apprenant que parmi tous les étudiants c'est Z. qui s'est plainte de mon comportement. Personne n'a jamais pleuré dans ma classe. Z. a été très proche de moi dès son arrivée à l'Ashram. Je regrette qu'elle ait choisi d'abandonner mon cours; elle avait décidé de travailler dur avec moi et de rattraper sa négligence passée. Elle m'a toujours dit qu'elle aimait beau- coup ma classe et je pouvais constater qu'elle y trouvait plus de plaisir que beaucoup d'autres. Et l'on est ramené à la même question : peut-on faire confiance à qui que ce soit et à quoi bon travailler pour ces enfants s'ils réagis- sent de cette façon ? Il doit y avoir quelque chose qui ne va pas du tout en moi pour attirer de telles allégations.

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C'est exactement la manière dont le monde traite le Divin. Même Sri Aurobindo n'a pas été épargné. Tu vois, tu es en bonne compagnie et il n'y a pas de raison de désespérer.

23 octobre 1965

Mère,

Tu as dit que pour donner une véritable éducation, il faut "se dégager des conventions et insister sur la croissance de l'âme". Je pourrais écrire deux pages sur ce sujet, mais en fait je n'y entends rien. Lorsque j'enseigne le Râmâyana, je peux souligner l'importance de la soumission au Divin, ou d'autres choses du même genre, mais que faire quand il s'agit de grammaire ou d'un autre aspect de la littérature ?

 

La contradiction provient du fait que tu cherches à "mentaliser", ce qui est impossible. C'est une attitude, une attitude intérieure essentiellement, mais qui gouverne l'extérieur autant que possible. C'est quelque chose qui doit être vécu beaucoup plus qu'enseigné.

Bénédictions.

28 octobre 1965

NOTICE

 

Toute l'Inde connaît une crise d'approvisionnement aiguë.

Toutes les céréales sont rationnées.

Je fais appel à la bonne volonté de chacun pour qu'il ne demande pas plus que ce qui est strictement indispensable.

Novembre 1965

Mère,

Le Premier Ministre a demandé à tous les Indiens de s'abstenir de dîner tous les lundis.

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Les restaurants, etc., sont priés de collaborer. Sommes-nous censés faire de même ?

 

Ne jamais gaspiller de nourriture serait cent fois plus efficace que de se priver d'un repas pour la galerie, et de manger plus avant et après. Il est essentiel de mener avec force, ardeur et sincérité une campagne contre le gaspillage de la nourriture, et je l'approuve de tout cœur.

Que les membres de l'Ashram prouvent leur bonne volonté et leur collaboration en ne mangeant jamais plus qu'ils ne peuvent digérer, et ne demandent jamais plus qu'ils ne peuvent manger.

3 novembre 1965

Mère,

Je dois payer certaines factures de la blanchisserie. J'ai l'argent. Mais les factures mettront un certain temps à me parvenir. Ma raison dit: "Puisque je sais que je dois payer ces factures, je dois en garder le montant; si je te le donnais, cela reviendrait à défier la Grâce." Mais une autre partie de moi dit : "Ne t'inquiète pas, donne l'argent ; il en viendra d'autre quand les factures arriveront." Aucune de ces deux idées ne l'emporte. Dans de tels cas, quelle est la bonne manière de prendre une décision ?

 

Une fois que le mental a commencé à travailler, il fait obstacle à l'action de la Grâce ; alors il vaut mieux garder l'argent.

10 novembre 1965

Mère,

À un moment donné j'étais très déçu par le résultat de mon travail à l'école. Je voulais abandonner. Tu m'as dit que je devais travailler sept ans et ensuite te demander ton avis. Cette année cela a fait sept ans que je travaille à l'école. 

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Les étudiants aiment mes classes, mais ils n'aiment pas que je les oblige à travailler. Je fais de mon mieux, mais je ne réussis pas à les satisfaire. Dis-moi si je dois continuer. Les professeurs ne manquent pas ; plusieurs d'entre eux aimeraient me remplacer. Ils croient que ma situation est une situation de prestige !

 

Essaie sept ans de plus ; nous verrons ensuite ! Je puis ajouter que l'enseignement (et toutes ses conséquences sur le plan moral) fait partie de ta sâdhanâ.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

11 novembre 1965

Mère,

Et maintenant une question personnelle. Je sais bien qu'en ce moment la coopération et la coordination Sont essentielles à l'Ashram; je fais de mon mieux. Mais j'échoue piteusement. J'ai entendu des gens dire que je parle très gentiment, mais que mes actes sont tout le contraire. Je croîs que j'essaie de m'entendre avec tout le monde. Je ne suis pas assez stupide pour croire que je suis la seule personne sincère à l'Ashram ; il faut donc qu'il y ait en moi un sérieux handicap qui fait obstacle. Peux-tu me dire ce qui m'arrête, ce qui m'empêche de collaborer avec succès au travail?

 

Ne le prends pas personnellement. La désharmonie et la confusion sont répandues dans le monde entier à cause de la résistance du mensonge à l'action de la Vérité. Ici, comme cette action de la Vérité est plus consciente et concentrée, la résistance est exacerbée. Et dans cette grande tourmente, la plupart des individus sont mus comme des marionnettes par les forces en conflit.

25 novembre 1965

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Mère,

Puis-je te demander une fois de plus ce que veut dire "réalisateur Suprême" à la fin de ta prière "Gloire à Toi"¹? Tu me l'as expliqué il y a sept ou huit ans, mais cela a complètement disparu. Ensuite, je te l'ai demandé trois fois, oralement ou par écrit, et chaque fois tu t'es dérobée. S'il te plaît, dis-le-moi une fois de plus.

 

Je ne me suis pas "dérobée" exprès, mais je ne t'ai sans doute pas donné la réponse mentale que tu souhaitais.

Pour te faire vraiment comprendre, il faudrait une longue explication et je dispose de très peu de temps.

Pour résumer, je pourrais dire que la "Réalisation Suprême", c'est, pour l'individu, l'identification au Divin, et pour la collectivité sur terre, l'avènement du Supramental, la Nouvelle Création.

Ne prends pas cela pour un dogme, mais seulement pour une explication.

Et "Réalisateur" est le Pouvoir Suprême de réalisation, l'auteur et l'acte.

Bénédictions.

20 décembre 1965

 

(Au cours de sa traduction en hindi de Quelques Réponses de la Mère, le disciple demanda à la Mère de lui expliquer certains mots et expressions.)

Mère,

En 1942 tu voulais m'apprendre le français, mais j'ai refusé de te prendre du temps — et voilà !

1. "Il faut bien que ceux qui ont du courage, en aient pour ceux qui n'en ont pas."

 

(C'est ironique) Il est tout à fait nécessaire que ceux qui ont du courage en aient un peu (du courage) pour ceux qui n'en ont pas.

 

¹Prière du 23 octobre 1937.

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2. "(...) il y a une grande joie dans la recherche ; mais c'est vrai que mon cœur sera toujours altéré."

 

Il y a une grande joie à chercher; mais c'est vrai que mon cœur sera toujours assoiffé (de connaissance),

1965

Mère,

S'il te plaît, explique tes trois phrases :

1. "Ne te fais pas de mauvais sang."

 

Ne t'inquiète pas ou ne te tracasse pas pour cela (cela dépend du contexte).

 

2. "Si en toute sincérité, on n'agit que pour exprimer la volonté Divine, il n'est pas d'action qui ne puisse échapper à l'égoïsme; mais tant qu'on n'a pas atteint cette condition, il est des actions qui sont plus favorables au contact avec le Divin."

 

Il n'est pas d'action qui ne puisse échapper à l'égoïsme, ou, toutes les actions sans exception peuvent devenir non égoïstes.

 

3. "La santé est l'expression extérieure d'une harmonie profonde, il faut en être fier et ne pas la mépriser."

 

Une bonne santé est l'expression extérieure d'une harmonie intérieure. Nous devons être fiers d'être en bonne santé (ou apprécier d'être en bonne santé) et ne pas la mépriser (autrement dit traiter la bonne santé avec mépris).

1965

Mère,

S'il te plaît, explique-moi la dernière phrase :  

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"Le véritable amour est une chose très profonde et très calme dans son intensité : il peut très bien ne pas se manifester par des effusions extérieures. "

 

Il (l'Amour) peut très bien ne pas se (l'amour) manifester par des actes extérieurs (ou des signes, ou des formes) sentimentaux ou affectueux.

En français, on emploie "effusions" ironiquement, pour décrire un étalage d'affection.

1965

Mère,

"Conquérir le Divin est une tâche difficile" — je crois que je n'ai pas bien compris cette phrase.

 

Prends "conquérir" au sens de "acquérir" ou "posséder". Tu pourrais dire : conquérir la Conscience Divine est une tâche difficile.

Commentaire : pour les êtres humains, devenir conscient du

Divin et posséder Sa nature est difficile.

1965

Mère,

X. m'a parlé de ta nouvelle organisation de la "Grainerie" [meunerie]. J'en suis très heureux. Elle permettra à Y. de prendre un repos dont il a bien besoin. J'espère que tout ira bien.

 

Cela dépend de la mesure dans laquelle chacun s'intéressera à l'harmonie plutôt qu'au triomphe de sa volonté personnelle!

L'amour est avec tous, travaillant également au progrès de chacun, mais il triomphe en ceux qui l'aiment.

Tendresses.

1965

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(Pendant une période de pénurie de lait à l'Ashram, la Mère demande des précisions au. disciple :)

 

Je voudrais avoir deux chiffres, si tu peux me les donner Ou te les procurer :

(1) Quelle est, en litres, la quantité de lait quotidienne nécessaire si nous donnons la ration entière ?

(2) L'un dans l'autre, combien de litres de lait nous procurons-nous par jour (au maximum) ?

Avec méthode, ordre et soin il n'est pas de difficulté qui ne puisse être résolue.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

Vers 1965

 

(Le disciple relate les plaintes des travailleurs de la Blanchisserie.)

 

Méfie-toi des différents rapports des ouvriers — ils sont toujours tendencieux.¹ Chacun parle toujours selon ses préférences (ses goûts et dégoûts) et déforme les choses.

 

Mère,

J'ai fait un rêve bizarre. Des communistes attaquaient ma chambre. Ils grimpaient vers les fenêtres par l'extérieur. Ils m'injuriaient, criaient, hurlaient; mais quelque chose les empêchait d'entrer. Je me suis tenu tout à fait tranquille comme si cela n'avait rien à voir avec moi.

 

Ce rêve concerne le pays, pas toi personnellement.

 

Hier, je me suis fait légèrement mal au bras. Je ne sais pas pourquoi, je me mis presque évanoui pendant une minute. Je n'y vois aucune raison.

 

¹Les quatre derniers mots de cette phrase sont en français dans le texte.  

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Concentre-toi plus constamment sur la Présence divine et la protection sera plus spontanée.

Tendresses et bénédictions.

Vers 1965

Mère,

Chaque fois que j'essaie de vivre dans une conscience un peu plus élevée, ça se termine par un échec, et ma conscience retombe au lieu de s'élever. Quand je cesse tout effort, elle redevient normale.

 

C'est parce que tu essaies mentalement de faire des progrès et le mental impose toujours une limite à la conscience. Seule l'aspiration qui vient du cœur et du psychique peut être efficace (et quand tu cesses de faire des efforts, tu me permets d'agir en toi, et moi je sais comment faire ! )

Vers 1965

Mère,

J'ai lu beaucoup de choses sur "ce qu'est l'humour" à la fois chez les anciens et chez les modernes. Aucune définition ne s'applique à ton humour et pourtant ton humour me paraît le plus humoristique. Peux-tu me dire ce qu'est le véritable humour?

 

L'humour du Suprême.

Vers 1965

Mère,

Selon la tradition ancienne, il y a un cycle de quatre âges ou Yougas : Satya, Treta, Dwapara et Kâlî. Dans Le Yoga et son but, Sri Aurobindo semble le confirmer. Je n'ai pas trouvé une seule allusion précise ailleurs. S'il te plaît, dis-moi si le Satya Youga que tu apportes doit

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être suivi de nouveau par les trois autres et si le monde doit continuer à retomber dans cette obscurité.

 

Je ne sais pas ce qu'on appellera ce que j'apporte, mais selon Sri Aurobindo ce qui suivra sera la Nouvelle Création et l'avènement du Supramental. C'est tout ce que je sais.

Bénédictions.

Vers 1965

Mère,

La vache possède-t-elle vraiment un caractère sacré particulier ou bien est-ce simplement une tradition basée sur des besoins économiques ?

 

C'est simplement une tradition fondée sur de vieux symboles.

Bénédictions.

Vers 1965

Mère,

Z. a fait beaucoup d'enfants à des intervalles très rapprochés. Je lui ai conseillé de se maîtriser un peu. Au lieu de le faire, la fois suivante il a essayé de faire avorter sa femme. Ce fut un échec. Sa femme est tombée malade. Maintenant, il veut connaître le moyen approprié.

 

La maîtrise de soi, ou, s'il en est incapable, se faire stériliser. C'est devenu la grande mode !

Vers 1965

Mère,

Je suis vraiment navré de cet embrouillamini à propos de X. Il m'a dit plusieurs fois qu'il n'est pas heureux dans son service et qu'il veut en sortir, mais il ne veut pas le dire directement à Y. Il veut qu'on dise qu'il change de travail et va à la Blanchisserie parce que Mère le veut. 

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Je n'aime pas ce genre de faiblesse qui frise l'hypocrisie. N'y a-t-il personne d'autre qui puisse diriger la Blanchisserie ?

Quant à remplacer Z. à la Blanchisserie, je ne veux pas de lui à moins qu'il ne soit franc et ne dise à Y. qu'il veut y aller et faire ce travail, parce que mes paroles ne sont pas diplomatiques et que je dirai la vérité à Y. quelles qu'en soient les conséquences.

De fait, il vaudrait mieux trouver quelqu'un de plus courageux pour travailler à la Blanchisserie.

Bénédictions.

15 janvier 1966

Mère,

Avec ta permission, j'ai publié les récits de Sri Aurobindo récrits (et non traduits) en hindi dans l'édition hindie de Purodha.

 

Il me semble qu'il vaut mieux tout simplement les traduire. Pour quelle raison les récris-tu au lieu de les traduire ?

4 février 1966

Mère,

La raison pour laquelle je récris en hindi les récits de Sri Aurobindo est très simple : c'est une question d'honnêteté. Nous ne voulons pas faire croire que nous pouvons traduire son "Baji Prabhou" ou "Persée le libérateur", ïl s'en faut de beaucoup que nous puissions nous rapprocher de l'original à moins que, comme tu me l'as dit un jour, "nous n'atteignions le niveau de conscience dans lequel il l'a écrit", ce qui est au-delà de nos rêves. Les histoires sont très jolies; nous pouvons les raconter à notre manière et dire que ceux qui le peuvent devraient essayer de les lire dans le texte. Après ce plaidoyer, tu as approuvé cette relation dans Purodha.  

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Une traduction qui s'efforce d'être fidèle devient très pédante et perd tout son charme. Toutes les traductions existantes en sont la preuve.

 

Si on considère la question sous cet angle... qu'il en soit ainsi. Avec ma tendresse et mes bénédictions.

4 février 1966

Mère,

J'avais prévu de publier des "Récits tirés de Sri Aurobindo" comme nous avons des récits tirés des Oupanishads ou du Mahâbhârata, pensant que tu étais tout à fait d'accord. X. étudie l'original et le transcrit en hindi. Je revois le tout. Maintenant, je crains que cela ne te plaise pas tellement. C'est difficile défaire marche arrière parce que j'ai annoncé ton accord pour le projet. Que faire ? Je n 'en suis pas très content.

 

C'est très bien. Tu peux poursuivre allègrement. L'idée me plaît, de la manière dont tu la présentes.

Tout dépend de l'esprit avec lequel les choses sont faites.

Ton attitude est bonne, alors tout va bien.

 

Je suis en train d'enseigner quelques poèmes magnifiques sur Râdhâ et Krishna. Râdhâ semble si vivante. Les experts modernes disent que cette Râdhâ est une addition récente au culte de Krishna. Veux-tu me dire si Râdhâ a jamais existé ?

 

Elle a sûrement existé et elle vit toujours.

Tendresses et bénédictions.

8 février 1966

Mère,

La situation économique et politique en Inde devient de plus en plus ridicule.  

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Je t'en prie, sauve l'Inde des Indiens et rends-nous dignes de ta grâce.

 

La Grâce du Divin est merveilleuse et toute-puissante.

Et le Seigneur a des façons d'agir qui sont pleines d'un délicieux sens de l'humour...

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

6 mars 1966

Mère,

L'Inspecteur du Travail vient rendre visite à notre Blanchisserie à huit heures trente aujourd'hui. Si nous avons vingt employés ou plus, nous sommes assujettis à la législation industrielle. Nous en avons vingt-trois. De nombreuses personnes, ou plutôt toutes les personnes sages, me conseillent de déclarer seulement dix-neuf employés. Mais je crois qu'un service de l'Ashram ne doit pas faire défausse déclaration, aussi vais-je déclarer le nombre exact. Ai-je raison ? A cause de ma déclaration, tu devras payer pour le fonds de Prévoyance etc.

 

Bien sûr, tu ne dois pas donner de chiffre faux, mais n'est-il vraiment pas possible de réduire le nombre des domestiques à dix-neuf?

21 mars 1966

 

(Le disciple est incapable de prendre une décision parce que les différentes parties de son être avancent des arguments contradictoires dont chacun paraît juste. Il demande ce qu'il doit faire dans ce cas.)

 

Je veux bien te répondre — mais une fois de plus la réponse va sans doute te paraître incompréhensible...

En fait, tous les arguments avancés par les différentes parties de ton être sont justes, et la sagesse consiste à pénétrer assez

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profondément dans la conscience pour trouver le lieu où ils s'unissent et s'accordent, et se complètent au lieu de se contre dire.

En ce qui concerne l'action proprement dite, il est en général préférable de travailler dans le calme et l'harmonie plutôt que de suivre des principes trop rigides qui créent des difficultés... mais là encore, ce n'est pas toujours vrai, et l'idéal, dans tous les cas, est de recevoir dans un état de silence intérieur le conseil qui vient d'en haut.

On y parvient à force de pratique, et avec de la bonne volonté.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

24 mars 1966

Mère,

Nos vieux travailleurs dont on blâme la mauvaise cuisine ont demandé et redemandé davantage d'épices, d'huile ou d'autres ingrédients de ce genre. Quand j'ai pris en charge la Cuisine certains d'entre eux ont fait appel à moi. Je leur ai demandé de se tenir tranquilles parce que l'Ashram avait des problèmes financiers. Mais plus tard j'ai pensé que je devrais essayer de leur donner un peu plus de latitude dans leur travail. J'ai parlé avec Y. et j'ai obtenu plus d'épices et d'huile pour eux. Maintenant, ta réponse me plonge dans le doute : ai-je bien fait ?

 

R., qu'est-ce que tu as? Je t'ai toujours pris pour un des rares qui pouvait comprendre mes plaisanteries?... et voilà que tu prends au sérieux ce qui est de toute évidence une plaisanterie !... Je n'ai rien contre tes travailleurs, au contraire ; j'avais dans l'idée d'éveiller en eux un nouvel intérêt pour leur travail et, en me basant sur une solide expérience, de donner ce qu'il faut pour que la cuisine soit... mangeable. Je regrette d'avoir à tout expliquer à l'avance pour me faire comprendre.  

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Tu peux dire à celui qui t'a parlé qu'on lui donnera tout ce qu'il lui faut pour faire la cuisine, mais que tout doit être réorganisé et que rien ne peut être fait à la hâte.

Maintenant, si ce que j'ai pu dire ou faire t'a donné l'impression que je ne suis pas satisfaite de ton travail, je le regrette beaucoup car rien de tel n'est dans ma conscience. Je sais que les circonstances sont difficiles et que tu fais de ton mieux, mais tout le monde et toutes choses peuvent toujours progresser et j'agis toujours en vue d'une amélioration possible, en sachant que la plus grande difficulté amène toujours la plus grande victoire.

Et je te fais confiance pour être à mes côtés pour cela.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

20 mars 1966

 

(Le disciple écrit au sujet d'un désaccord avec un travailleur de la Salle à manger. Voici la fin de sa lettre :)

Je regrette d'exhaler ma colère dans cette lettre, mais un tel manque de confiance me blesse et je ne le cache pas.

 

Il n'y a pas eu un manque de confiance et je regrette que tu l'aies pris ainsi. Mais maintenant je te le dis sérieusement (puisque tu ne semblés pas apprécier mes plaisanteries) : la meilleure chose à faire est d'avoir une conversation directe, franche et cordiale avec Z. et de lui dire clairement comment tu envisages de résoudre le problème.

Si, tous les deux, vous pouvez arriver à une solution harmonieuse et efficace, je le prendrai comme une grande victoire... pour moi.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

2 avril 1966

Mère,

Tu me demandes comment va ma main. Je ne sais que dire. Avant de t'en informer,  

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il me fallait t'appeler à l'aide pour soulever ne serait-ce qu 'une tomate ; je n 'ai pu finir le travail qu'en me souvenant constamment de toi. Mais après avoir reçu tes bénédictions, j'ai soulevé plusieurs cartons de raisins dont chacun pesait près de trente kilos, et j'ai oublié de t'appeler ne serait-ce qu'une fois ! Après tout cela tu peux juger quel état est le meilleur !

 

Voilà une preuve de plus que dans ton cas, le contact physique (cette fois-ci par l'écriture) est plus efficace que celui qui est purement mental.

Tendresses et bénédictions.

7 avril 1966

Mère,

Quand je suis arrivé ici tu m'as donné du travail à la Salle à manger. Je travaillais donc lors du dernier Darshan où l'on a pu faire le pranâm à Sri Aurobindo. Mon travail prenait fin à neuf heures trente, mais mon groupe devait aller au Darshan à neuf heures. Tout le monde m'a dit de quitter mon travail et d'y aller, sinon je manquerais le Darshan. Je n'ai pas fait attention. J'y suis allé après avoir fini mon travail et voilà que Sri Aurobindo était un peu en retard et mon groupe n'a commencé qu'après mon arrivée.

 

Naturellement !

 

Quand tu m'as fait venir en haut pour faire le travail de X., tu as dit que je m'éviterais beaucoup d'ennuis si je m'occupais uniquement du travail et n'essayais pas de te regarder chaque fois que je te voyais. J'ai essayé de suivre ce conseil fidèlement, de mon mieux et cela m'a beaucoup aidé. De même je n'ai pas regardé Sri Aurobindo, même lorsque j'avais à aller plusieurs fois vers sa chambre.  

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J'ai toujours pensé qu'il suffisait que tu me voies, je n'ai pas besoin de te voir. Si tu veux que je change d'attitude, je le ferai sûrement, autant que tu voudras. La vie est un paradoxe, n 'est-ce pas ?

 

Ton attitude est excellente et très bénéfique dans le travail, et aussi pour toi.

Continuons donc ainsi.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

8 avril 1966

Mère,

Passons maintenant aux dispositions à prendre pour la distribution du lait pendant cette période de pénurie. Au lieu de suggérer quoi que ce soit' de ma propre initiative, je voudrais savoir exactement ce que tu veux que je fasse. Quels sont ceux que l'on peut considérer comme des enfants et comment distribuer le supplément de lait ?

 

Je considère comme des enfants ceux qui ont moins de quinze ans. Jusqu'à l'âge de dix ans, je voudrais qu'ils aient au moins deux pleines tasses de lait par jour (bien sûr, ceux qui n'aiment pas le lait, on ne leur demande pas du tout d'en boire).

Les malades, s'ils sont signalés par un médecin, peuvent aussi en avoir, s'ils le désirent. Pour le reste, je le laisse à ta "sagesse".

14 avril 1966

Mère,

La boîte en verre qui était sur ma terrasse (la boîte qui servait à l'égouttage) a été projetée à près de deux mètres de distance par le cyclone et tout le verre est cassé. Il semble que la tempête ait eu un amour spécial pour l'Ashram et Pondichéry.

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C'est possible.

Les forces qui étaient derrière le cyclone n'étaient pas hostiles, mais pleines d'une puissance transformatrice. Tu as fait ce qu'il fallait et je peux t'assurer qu'aller au-dedans et recevoir la force est plus utile que de se jeter dans une action fébrile. Le "tamas" n'est certes pas bon, mais c'est seulement par la soumission à la Conscience Divine que le tamas peut être transformé.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

6 mai 1966

Mère,

L'autre jour un individu est venu me trouver pour demander s'il pouvait donner ses vêtements à laver. Je lui ai dit : "On ne peut donner des vêtements à laver qu'après un an de séjour ici." Il a aussitôt tiré de sa poche un mot avec ton accord Il

 

Avant de signer la moindre demande, je demande toujours si la personne a séjourné ici depuis plus d'un an, et chaque fois on me dit oui. Je n'ai aucun moyen de contrôle parce que je ne sais pas qui vient et qui est admis. On ne me donne le renseignement que dans de très rares cas. Aussi la seule chose à faire dans ce cas est de refuser de signer quoi que ce soit à moins d'une note venant de toi.

Bénédictions.

17 mai 1966

 

Un ménage goudjerati qui est venu s'installer pour un an à ses frais demande à être nourri gratuitement. Il travaille à la Boulangerie et elle à la Cuisine. Il dit qu'il ne reçoit pas de sa famille l'argent sur lequel il comptait. Au travail, ils ne sont pas mal.

 

Ils peuvent être nourris tant qu'ils travaillent.

Page 276


Des amis me conseillent de publier dans Purodha davantage de textes de toi et de Sri Aurobindo sur la sâdhanâ. Je croîs que si nous devons toucher les jeunes auxquels ce magazine s'adresse, nous ne devrions pas parler directement de sâdhanâ. Nous devons attirer leur attention sur l'Ashram et votre enseignement pour qu'ensuite ils lisent directement vos livres. En ce qui concerne la valeur de notre magazine, elle dépend davantage de la conscience avec laquelle les choses sont écrites que de ce qui est écrit.

 

Tu as raison.

2 juillet 1966

 

(Le disciple explique qu'à la Salle à manger on applique deux tarifs différents aux visiteurs qui paient leurs repas. Sa lettre se termine ainsi :)

À présent le prix est de deux roupies cinquante par jour pour vingt-six jours. Ce n'est pas uniforme, four la même chose, différentes personnes appliquent des tarifs différents. X. dit que Y. a été mis au courant de ce changement, mais celui-ci ne semble pas le savoir. J'ai prié Z. de te demander des éclaircissements sur ce point, mais...

 

C'est très intéressant, mais guère inattendu. Depuis que je me suis "retirée", chacun semble agir à sa guise sans communiquer avec les autres et — sous prétexte de ne pas me déranger — sans me consulter ni même me mettre au courant.

Bien que, par mes propres moyens, je sache plus ou moins ce qui se passe, je me contente de sourire et je n'interviens pas. Chacun doit apprendre par l'expérience.

J'attends le jour où l'ordre vaincra le désordre et où l'harmonie maîtrisera la confusion. Je suis derrière chaque effort dans ce sens.

Bénédictions.

6 juillet 1966

Page 277


Mère,

Quand on Ut la vie des saints de l'Inde, on apprend que beaucoup d'entre eux, avec une foi complète, refusaient de manger jusqu'à ce que le Seigneur vienne à eux sous une forme humaine et partage leur nourriture ; et le Seigneur finissait vraiment par leur apparaître et se comportait tout à fait comme les êtres humains, mangeant et travaillant comme eux.

Y a-t-il une vérité derrière ces histoires ?

 

Une vérité psychologique, car n'importe qui peut devenir pour vous le Seigneur si vous l'avez décidé. Le point de vue subjectif prévaut beaucoup plus souvent qu'on ne l'admet en général.

23 juillet 1966  

Mère,

Je suis en train de lire "Amour et Mort" de Sri Aurobindo. Existe-t-il vraiment des régions de nuit éternelle et de douleur telles qu'elles sont décrites dans ce poème ? Allons-nous là-bas après la mort ? Elles ressemblent à l'enfer, par toute leur douleur, leur tristesse leur obscurité et ses fleuves rugissants. Quelle partie de l'être va là-bas et pourquoi ?

 

Le monde vital est presque toujours comme cela et ceux qui vivent exclusivement dans le physique et le vital y vont après la mort... Mais il y a la Grâce !...

2 août 1966 

Mère,

Tu as dit à propos du monde vital décrit dans "Amour et Mort" que "ceux qui vivent exclusivement dans le physique et le vital y vont après la mort". Est-ce à dire que même les animaux et les plantes doivent y aller ? Comment font-ils pour en sortir ?  

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À de rares exceptions près, les animaux ne sont pas individualisés et quand ils meurent, ils retournent à l'esprit de l'espèce.

 

Dans "Amour et Mort", est-ce que Ruru et Priumvada sont les premières formes de Savitri et Satyavan ?

 

Sri Aurobindo ne m'a rien dit à ce sujet.

6 août 1966 

Mère,

X. est une de mes élèves. Elle travaille dur mais n'a aucune mémoire. Elle en est navrée, travaille encore mais avec le même résultat. Voyant son effort, je l'ai fait passer en troisième bien qu'elle n'ait pas le niveau. Cette année, c'est la même chose. Sa sœur Y. est intelligente mais paresseuse. Plusieurs fois j'ai dû me retenir pour ne pas perdre patience. Elle est intéressée mais travaille rarement et n'obtient aucun résultat. Que faire dans des cas pareils ?

 

Continue à être patient. C'est une sorte de tamas mental ; un jour elles vont se réveiller.

6 août 1966  

Mère,

Est-ce que le récent cyclone a aussi été attiré par les forces de transformation du Divin ?

 

La Nature collabore à sa manière. Tout est fait pour la croissance d'une sincérité spontanée. —

Bénédictions.

7 novembre 1966 

Mère,

J'écris des nouvelles pour mon magazine. Mais laisse-moi te raconter une histoire vraie. Un monsieur est venu ici.

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Il se disait pauvre, bien qu'il se fasse bâtir une maison de quatre étages et qu'il gagne environ mille deux cents à mille six cents roupies par mois. Il voulait avoir ton "darshan spécial" et tu as refusé : c'était très méchant. Le pauvre homme a alors décidé que si tu changeais d'avis et que tu le recevais, il te donnerait dix roupies et sa femme quinze : malgré cela tu ne l'as pas reçu. C'était impossible pour lui de donner cent roupies comme un ami le lui suggérait, pour la bonne raison qu'il ne possédait pas une telle somme. Quand il partit, le cœur brisé, il se trouva pris dans la foule des étudiants en Andhra. Il a été obligé de supplier et de crier grâce et de par la grâce divine il a pu aussitôt leur offrir cinq cents roupies pour s'en sortir!

 

La même histoire, dans des contextes légèrement différents, pourrait être redite bien des fois !...

Mais qu'en est-il des anecdotes sur l'efficacité de la Grâce Divine ? Elles sont moins nombreuses peut-être, mais tellement plus réconfortantes !...

Tendresses et bénédictions.

8 novembre 1966  

Mère,

Z. est venu me voir hier soir. Nous avons eu une très longue conversation à propos de son travail. Lorsqu'il est parti, il paraissait calme et satisfait. Si seulement je pouvais faire le travail aussi bien que j'en parle, ne serait-ce qu'en partie ! Hélas, cela ne se passe pas ainsi. Parfois je crains d'être en train de perdre tout intérêt pour le travail. Même quand je m'occupe des fruits, je n'ai plus la moitié de l'enthousiasme que j'avais. Il se peut que je sois en train de perdre tout intérêt, de vieillir ou d'apprendre à travailler sans fébrilité. Toi seule le sais.

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Je vois cela comme l'avènement de la Sagesse qui mène à l'égalité véritable.

Bénédictions.

17 novembre 1966 

Eh bien, une chose est certaine : avec toi je suis riche et je reçois de l'argent. Avec la plupart des autres, je suis pauvre et endettée...

Bénédictions.

8 décembre 1966  

Mère,

Depuis que X. a pris la responsabilité de la minoterie, la farine n'est plus aussi bonne, le pain ne lève pas comme il faudrait et il reste dur. Mais on dit que j'ai donné l'ordre de réduire la taille des pains pour faire des économies ! On rapporte que X. aurait dit que je suis un obstacle sur son chemin, autrement il aurait eu la direction de la Boulangerie. Quant à moi, autant que je sache, je ne tiens pas du tout à être directeur de département : ce que j'en connais me suffit. D'autre part, je ne veux pas me dérober à une tâche qui m'est attribuée. Si je dois continuer, s'il te plaît, montre-moi quelque manière d'être plus utile. Si tu as quelqu'un d'autre en vue, cela me sera vraiment égal de m'écarter.

 

Je voulais que tu t'occupes de l'argent, car c'était mon seul moyen d'être sûre que l'argent me parvienne.

Mais l'organisation du travail dans cette section peut être confiée à d'autres, pourvu qu'ils acceptent de collaborer.

Je te demande un peu plus de temps et de patience, et aussi d'attendre que les choses prennent un tour plus définitif.

Quant aux mécontents, ils ronchonnent et se plaignent toujours. Nous ne devons pas y attacher d'importance.

1966

Page 281


(Le disciple écrit qu'il s'occupera de l'organisation de la Boulangerie, de la Blanchisserie et de la Salle à manger, mais qu'il ne peut tenir leurs comptes car il ne connaît pas la comptabilité.)

 

J'attache beaucoup de prix à une bonne organisation. Si ceux qui organisent veulent sincèrement le faire, j'ai seulement besoin d'informations claires et précises. 'Quand on me les donne et qu'on a suffisamment de confiance en la Puissance Organisatrice, cela suffit. Le reste se fera.

Bénédictions.

Vers 1966  

Mère,

Tu peux apprécier à sa juste valeur la capacité humaine de s'attirer des ennuis. J'allais très bien, j'étais en très bonne santé, lorsqu'une idée me vint comme un corbeau dans le ciel: "Tu parles de protection divine, regarde Y. et Z., qui sont maintenant malades, alors qu'ils sont bien plus utiles que toi." J'ai chassé l'idée, mais non sans en recevoir un petit coup sous la forme d'un rhume. Mais heureusement, la Protection ne fait pas attention à ma stupidité.

 

Ce n'est pas une question d'utilité. Pour obtenir de l'action de la Grâce un résultat parfait et total, il faut une foi totale et parfaite. Où la trouver ???

Tendresses.

Vers 1966 

Mère,

Un travailleur de la Boulangerie est parti et X. s'en va le 6. Nous avons besoin de deux personnes, plus une pour la Salle à manger.  

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Maintenant je n'ai plus de contact avec les gens et aucun moyen extérieur de trouver des travailleurs. Le seul espoir réside dans la capacité du Pouvoir invisible !

Tendresses et bénédictions.

Vers 1966  

Mère,

Y. qui travaille avec moi m'a donné une lettre fermée pour toi. Peut-être veut-il faire venir ses enfants. L'année dernière, tu as dit que tu les admettrais quand la situation s'améliorerait.

 

La situation ne s'est pas améliorée, mais s'il est un bon travailleur, il vaut mieux lui permettre de faire venir sa famille.

Je connais la difficulté et je fais de mon mieux, mais de nos jours, rares sont ceux qui veulent sincèrement travailler.

Dès que j'entends parler de quelqu'un ou de quelqu'une, je te l'envoie aussitôt. Mais cela ne semble pas très efficace !

Bénédictions.

Vers 1966  

Mère,

Un de mes étudiants a écrit un essai dans lequel il dit que l'on attend de nous de n'avoir rien à faire avec le sexe, et pourtant chaque fois que nous parlons nous devons nous souvenir du sexe pour ne pas faire de faute de genre.

 

C'est simplement une plaisanterie... ou c'est une ruse du mental et une façon astucieuse de refuser de comprendre le véritable sens de ce conseil.

Bénédictions.

Vers 1966

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Mère,

Le Gouvernement de l'Inde nous avait donné verbalement l'assurance d'une souscription de cinq cents exemplaires au Purodha hindi. La commande officielle a été retardée de sept mois. Nous avons imprimé davantage d'exemplaires à son intention, et maintenant il n'en veut plus que cent cinquante !

Je n'ai jamais pensé à l'argent' toutes ces années. Maintenant je dois t'en demander de plus en plus !

 

Que faire ? De tous côtés c'est comme cela. Il semble que ce soit un problème nouveau à résoudre par miracle : recevoir beaucoup moins et pourtant dépenser beaucoup plus !

Tendresses et bénédictions.

Vers 1966  

Mère,

Quel médecin croira qu'hier, quand j'étais en train de t'écrire ma lettre, l'enflure de l'aine était si énorme que j'avais de la difficulté à marcher. Ce matin, quand tu as reçu ma lettre, j'ai senti qu'elle commençait à diminuer. Quand j'ai reçu ta réponse, elle avait diminué de moitié. Maintenant je peux courir! L'enflure du pied aussi s'en va de la même manière, mais ni l'une ni l'autre ne s'en va complètement. Elles arrivent au point où elles sont inoffensives et là le progrès s'arrête.

 

Cela donne la mesure exacte de la réceptivité de ton corps. Concentre la force sur les parties malades et elles iront mieux.

Vers 1966

 

(Dans la lettre suivante, les mots "choix" et "abîme" se réfèrent au message de la Mère pour le Nouvel An 1967 : "Hommes, nations, continents! Le choix est impératif : c'est la Vérité ou l'abîme".)  

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Mère,

Le choix est fait depuis très longtemps. Il n'y a pas de progrès. L'abîme semble ouvert, béant, juste devant nous, et pourtant il y a la confiance qu'il sera retiré du chemin.

 

La confiance est tout à fait justifiée. Le message est destiné seulement à ceux qui dorment encore et "qui sont tout à fait satisfaits de dormir.

Bénédictions.

2 janvier 1967 

Mère,

Z. me demande d'écrire quelques articles en hindi sur des sujets tels que la méditation, le travail, la soumission, etc. Il dit que je suis le seul qui puisse écrire convenablement.

Je sens que ce serait comme un aveugle conduisant des aveugles. Lorsque je me regarde, je me demande si je sais quelque chose que je puisse dire aux autres.

 

Continue à écrire. Qui sait si l'inspiration n'est pas prête, attendant de venir à toi ?

Tendresses.

10 février 1967 

Mère,

Tu m'as demandé d'écrire dans Purodha sur des sujets en rapport avec la sâdhanâ, et le premier article que j'ai écrit est sur la méditation ! Et pourtant, tu as dit une fois que s'il fallait me punir, on me demanderait de méditer pendant une demi-heure !

 

Je n'ai jamais dit que tu étais incapable d'écrire sur ce sujet !

Bénédictions.

8 mars 1967

Page 285


Mère,

J'éprouve des difficultés à écrire pour Purodha. Je vois très bien le manque de substance de ce que j'écris. Cela manque de vie. Et pourtant je dois écrire parce que j'ai la responsabilité de ce magazine mensuel.

 

Appelle Sri Aurobindo à l'aide et tout ira bien.

24 mars 1967 

Méfie-toi de ce que l'on te répète en mon nom — l'esprit dans lequel cela a été dit s'est perdu !

29 mars 1967 

(Après avoir fait part à la Mère de plusieurs problèmes:)

Mère,

Que d'histoires pour un jour comme le 29 ! Épargne-moi la contagion de l'amertume.

 

Lorsque nous devenons amers, nous perdons notre contact divin et devenons très "amèrement" humains.

Tendresses et bénédictions.

29 mars 1967  

Mère,

Je ne suis pas amer pour la bonne raison que je suis en train de perdre le sens des responsabilités (je ne trouve pas les mots justes). C'est X. qui devient de plus en plus amer — même vis-à-vis de toi. Il a l'impression que bientôt nous serons tous (nous, c'est-à-dire ceux de la vieille garde, comme il nous appelle) abandonnés sans recours. Je prie pour ne pas être contaminé.

 

Tout ce qui arrive vient pour nous donner toujours la même leçon. A moins que nous ne nous débarrassions de notre ego,

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il n'y aura pas de paix, ni pour nous, ni pour les autres. Et sans l'ego, la vie devient tellement merveilleuse !

Tendresses.

30 mars 1967  

Mère,

Peut-être sais-tu que notre allocation de sucre a été réduite. Je voudrais que tu me guides pour établir les nouvelles règles. Si tu le désires, je te donnerai des détails sur la consommation.

 

Je l'ai appris hier et peux seulement te dire : fais pour le mieux.

Si tu utilises du sucre pour moi, cesse complètement. On peut le remplacer par du glucose si c'est nécessaire.

Je suppose que tout cela arrive pour nous apprendre à être plastiques.

Tendresses et bénédictions.

13 avril 1967  

Mère,

Tu semblés croire que tu es une grosse mangeuse ! que si tu cesses de manger du sucre ce sera une grande économie! Depuis 1951 à peu près, je n'ai pas utilisé de sucre pour toi parce que tu me l'as demandé. Dans la boisson aux amandes du matin, je mets du miel et le soir, du jus de canne à sucre. Si le jus de grenade a besoin d'être sucré, je mets du jus de canne à sucre.

 

Je suis très heureuse d'apprendre que tu ne mets pas de sucre dans mes boissons. Je les trouve suffisamment sucrées comme cela et te félicite de te rappeler ce que j'ai dit, c'est vraiment peu courant !

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

14 avril 1967

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Mère,

Récemment tu as donné des messages pour l'école, où tu mets l'accent sur l'avenir : dans mes cours de hindi, j'ai accordé une grande importance au Râmâyana et aux chants de Kabir, de Mira etc., aux histoires tirées des Oupanishads et du Mahâbhârata. S'il te plaît, dis-moi ce que je dois faire. Si j'élimine tout cela, parce que cela appartient au passé, par quoi le remplacer ? Et si je continue, n'irai-je pas à contre-courant de ta volonté?

 

Pas du tout. C'est l'attitude qui compte.

 

Même dans les petites classes, je donne beaucoup d'importance aux légendes de la littérature indienne. Nous n'avons aucune vision de l'avenir, et si nous rejetons tout cela sous prétexte que cela appartient au passé, que restera-t-il de la littérature ?

 

Le passé doit servir de tremplin vers l'avenir, il ne doit pas être une chaîne qui nous empêche d'avancer.

Comme je l'ai dit — tout dépend de l'attitude à l'égard du passé.

 

En ce qui me concerne, je crois que le mieux serait que je renonce à enseigner et à écrire, que je retourne à un travail purement physique, en attendant le grand jour. Mais ce serait te faire un reproche, car ces tâches, c'est toi qui me les as données, apparemment contre ma volonté.

 

Et ce travail, je te demande de le continuer. Si tu éprouves le besoin d'un changement, que ce soit dans l'attitude : donner davantage d'importance à ce qu'il faut dire et réaliser et se servir du passé pour se préparer à l'avenir.

Ce n'est pas très difficile à faire — et je suis tout à fait sûre que tu le feras aisément.

Tendresses et bénédictions.

17 avril 1967

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(Le disciple écrit que beaucoup de travailleurs de la cuisine de la Salle à manger sont en émoi à cause de la décision de l'un de leurs surveillants. Voici la fin de sa lettre :)

Dans ces conditions, veille, s'il te plaît, à ce que le travail ne se dégrade pas. Il n'y a pas de bons travailleurs à la Cuisine. C'est un des services les plus négligés. J'espère que quelque chose de bon sortira de ce conflit. Je croîs aux miracles.

 

Lorsque les passions humaines dirigent le travail, je ne peux que me tenir à l'écart, comme un témoin. On m'informe poliment de ce qui est décidé, mais on ne me demande jamais ce qu'il faut faire.

Je ne peux pas donner des ordres car si ces ordres n'étaient pas suivis, cela aboutirait automatiquement à une catastrophe.

Alors, il n'y a rien d'autre à faire qu'attendre avec patience que les passions s'apaisent et... espérer que tout ira pour le mieux.

Peut-être quelques-uns vont-ils se réveiller et voir la nécessité de travailler dur.

Bénédictions.

19 avril 1967 

Mère,

Depuis quelque temps je me sens très fatigué après le travail du Darshan. Pendant cette période, je ne travaille pas beaucoup physiquement, je ne m'énerve pas, je ne suis pas excité, et cette fois-ci je n 'ai même pas eu le sentiment de ma responsabilité personnelle. Mais je suis présent tout le temps et à la fin de la journée je suis complètement épuisé. Si je dois travailler, je me sens bien, mais après je suis fatigué. Pourquoi ? Que faire ?

 

C'est parce que tu es réceptif à la Force quand tu travailles, et c'est cela qui te soutient.

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Mais quand tu n'es plus sous la tension du travail, tu es moins réceptif. Tu dois apprendre à être réceptif en toute circonstance et tout le temps, surtout quand tu te reposes. Ce ne doit pas être le "repos" de l'inertie, mais le vrai repos de la réceptivité.

Bénédictions.

9 mai 1967  

Mère,

Les nattes de la Salle à manger sont très déchirées. Avant d'en demander des neuves, je voudrais savoir si nous allons continuer à avoir des nattes ou bien généraliser les tables et tabourets. Pour l'instant, nous avons des tables et des tabourets dans deux salles, dans les autres il y a des nattes.

 

Il y aura toujours des gens qui préféreront s'asseoir par terre. Demande des nattes.

11 mai 1967 

Mère,

Peux-tu me dire combien de temps tu as mis à planifier cette création et qui était là pour l'exécution ?

 

Rien d'avance. Tout immédiat : directement, spontanément, sans aucun intermédiaire. La plupart du temps, l'intervention des intermédiaires a compliqué les choses au lieu de les simplifier. Une histoire plutôt longue à raconter.

Bénédictions.

13 mai 1967  

Mère,

Avant 1947, tu as dit que l'Inde souffrait de quelque chose d'analogue à un cancer, chaque membre essayant de croître au détriment des autres. A l'époque, nous ne pouvions pas le voir.

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Aujourd'hui, tout le monde peut voir le cancer et même la lèpre. Sans ta présence, tout serait aussi sombre que possible. Faut-il une destruction complète avant que l'Inde remplisse sa mission ? Cela prendra-t-il beaucoup de temps ?

 

Quand il y a du travail à faire, moins on en parle, mieux ça vaut.

17 mai 1967  

Mère,

Depuis longtemps Y. me témoigne de l'amitié et maintenant elle vient me trouver pour me demander conseil. Tantôt elle se sent très seule et songe à se marier, tantôt elle sent que sa place est à l'Ashram et que tout le reste est inutile. Je ne lui donne jamais de conseil directement, mais je voudrais savoir si elle est faite pour cette vie et quelle ligne de conduite adopter quand elle vient me parler de son problème.

 

Le fait qu'elle est ici prouve qu'il y a une aspiration quelque part dans son être et qu'avec de l'aide cette aspiration peut se répandre dans l'être tout entier.

Avec ma tendresse.

5 juin 1967  

(Le disciple fait part à la Mère d'une pénurie de fruits et de sucre à l'Ashram.)

 

Le sucre est utile surtout pour les enfants, pour les autres on peut le remplacer par autre chose.

Cela vient sûrement pour nous apprendre à avoir une foi tranquille que nous aurons ce dont nous avons vraiment besoin, et pour le reste, nous ne devons pas nous inquiéter !

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

.15 juin 1967

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Mère,

Z. a très envie de superviser la Salle à manger. Si cela ne t'ennuie pas, laisse-le se charger de la Salle à manger en décembre quand tu la réorganiseras.

 

Je ne vois pas comment cela peut être possible, pour toutes sortes de raisons que je ne puis exposer ici. Je ne réorganise pas, je vais simplement ajouter une cuisine¹ parce que le nombre de personnes a tellement augmenté, que faire la cuisine pour un si grand nombre devient difficile.

De plus, la nourriture des élèves doit être un peu différente de celle des Ashramites, parce que les enfants ont besoin d'une alimentation spéciale pour grandir.

20 juin 1967  

Mère,

Peux-tu me dire pourquoi, à l'Ashram de Sri Aurobindo, en ta présence, tout le monde a l'air de compter sur la nourriture, la culture physique et le médecin pour rester en bonne santé ? Quant à l'aide du Divin, elle peut toujours prendre la quatrième place si ça lui fait plaisir. On hésite à parler de ton aide, comme si c'était un signe de prétention ou de fanatisme.

 

Sri Aurobindo a dit que le physique devrait être inclus dans le yoga au lieu d'être rejeté ou négligé. Alors, presque tous ceux qui sont ici ont cru qu'ils faisaient le yoga du corps et sont devenus la proie de leurs "besoins" physiques et de leurs désirs.

Pour parler franc, je préfère une erreur de ce genre à celle des prétendus ascètes qui sont pleins de mépris, de malveillance et de dédain pour les autres.

 

¹La cuisine de "Corner House" (et la salle à manger) pour les élèves de l'école de l'Ashram.

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Je n'ai pas le temps de dire tout ce que l'on pourrait dire sur ce sujet.

Mais... l'esprit critique est plus destructeur que bien des mauvaises habitudes.

Bénédictions.

12 juillet 1967 

Mère,

Je n'ai jamais eu de mépris pour mon corps — ni d'adoration non plus — bien que j'aie un certain penchant pour l'ascétisme. Hier, je ne critiquais personne.

 

Ma remarque ne t'était pas destinée ; c'était une remarque d'ordre général.

 

Quand les gens viennent me voir et commencent à se lamenter sur leur état de santé, en me disant qu'ils ont essayé tel remède et tel autre, mais qu'il n'y a pas d'amélioration, tantôt je les plains, tantôt cela me met en colère, ou me dégoûte. Et si je leur demande d'avoir confiance en toi, je vois bien qu'ils ne me croient pas, c'est écrit sur leur visage. Ils se diront que je raconte toutes ces histoires pour ne pas avoir à leur donner plus de lait, ou de fruits, et c'est cela que je trouve si décevant.

 

Pourquoi décevant ! S'il s'en trouve un sur cent qui a vraiment la foi, c'est déjà un miracle !

 

J'ai lu l'autobiographie de l'actuel Dalaï Lama. La légende de la réincarnation et de la découverte du Dalaï Lama est-elle vraie ?

 

Il fut un temps où je connaissais cette légende, mais je l'ai oubliée. Je ne peux donc rien dire, sinon, d'une façon générale, que les hommes ne peuvent rien imaginer qui n'ait existé au moins une fois ;

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aussi y a-t-il toujours une vérité derrière ces histoires. L'erreur consiste à vouloir généraliser et à en faire une règle.

Tendresses et bénédictions.

13 juillet 1967  

Mère,

J'ai lu tes messages à propos des examens. Ils sont inutiles, je suis d'accord avec toi. Mais en tant que professeur de langue, je me pose certaines questions. Je dois pouvoir m'assurer que les élèves connaissent bien la langue, et dans l'une de mes classes, j'ai remplacé les examens par des rédactions. Je suis satisfait du résultat. Mais que faire dans les cas suivants :

1. X. a une bonne connaissance du hindi, mais elle prend tout à la légère, ne travaille pas et est souvent absente.

2. Y. est très intelligente, très capable, mais elle s'est toujours arrangée pour ne pas faire son travail, et elle a essayé de me jeter de la poudre aux yeux par sa conversation aimable et intelligente. J'ai du renoncer.

3. Z. manifeste beaucoup d'intérêt, elle sait apprécier la littérature, mais elle est incapable d'écrire une phrase correctement.

Il y en a d'autres dans le même cas, à divers degrés, dans les petites classes.

 

Ceux qui ne sont pas sincères, ne veulent pas vraiment apprendre mais obtenir de bonnes notes ou des louanges du professeur — ils ne sont pas intéressants.

 

Est-il possible pour un professeur, par sa relation intérieure avec un élève, de savoir si celui-ci connaît bien la langue et peut passer dans une classe supérieure ? W. était magnifique dix jours par an ! Le reste du temps, elle assistait au cours en spectatrice.

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Mais je l'ai toujours fait passer dans la classe supérieure, à cause des possibilités qui se manifestaient durant ces dix jours.

 

C'est bien.

Le professeur doit naturellement pouvoir vérifier si l'élève a appris quelque chose et fait des progrès. Mais cet examen doit être individuel et adapté à chacun. Il ne faut pas qu'un même examen soit appliqué mécaniquement à tous. Ce doit être fait de façon spontanée et inattendue, afin d'éliminer toute prétention et toute insincérité. Il est vrai aussi que c'est beaucoup plus difficile pour le professeur, mais l'enseignement devient tellement plus vivant et intéressant aussi.

J'ai beaucoup apprécié tes remarques à propos de tes élèves. Elles prouvent que tu as établi des relations individuelles avec chacun d'eux, ce qui est essentiel pour bien enseigner.

Bénédictions.

25 juillet 1967  

Mère,

Je me suis senti très mal ces trois dernières nuits. Mais dès qu'approche l'heure où je peux te faire part de mes malheurs, ils s'évanouissent.

Respirer profondément avait toujours été mon fort. L'embonpoint a rendu le souffle court et Dieu sait quoi d'autre !

 

Si tu veux respirer correctement, tu le peux.

Le moment est venu de t'appuyer seulement sur la Volonté divine et de la laisser agir LIBREMENT en toi.

C'est la réponse que je voulais t'envoyer hier, mais je n'ai pas eu le temps de t'écrire.

Je le répète : le temps est enfin venu où au lieu de t'appuyer sur la petite volonté personnelle, tu peux confier tout le travail à la Volonté divine et La laisser faire son œuvre en toi, pas seulement dans ton mental et tes sentiments, mais principalement dans ton corps, et si tu le fais sincèrement,

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 toute cette stupidité du corps disparaîtra et tu seras fort et en forme pour faire ton travail.

Bénédictions.

28 juillet 1967  

Mère,

Il est très difficile de comprendre ce que tu veux exactement dans le domaine de l'éducation; mais il y a une chose que je crois avoir comprise, c'est que tout ce que nous faisons est parfaitement inutile. Il y a certes des poèmes assez élevés dans la littérature hindie, mais que sont ces hauteurs par rapport à ce que tu veux ? Si nous voulons apprendre à parler correctement, apprendre le bon usage de la langue, il faut lire des nouvelles et des romans d'un genre très inférieur car ils peignent la vie humaine telle qu'elle est.

La difficulté, c'est que parfois je dois faire sciemment ce que tu n'approuves pas, et que je n'ai pas le courage de me remettre entièrement entre tes mains.

 

Ta difficulté est due au fait que tu as encore cette vieille croyance que, dans la vie, il y a des choses supérieures et des choses inférieures. C'est faux. Ce ne sont pas les choses ou les activités qui sont supérieures ou inférieures, c'est la conscience de celui qui agit qui est vraie ou fausse.

Si tu unis ta conscience à la Conscience suprême et que tu La manifestes, tout ce que tu penses, sens ou fais devient lumineux et vrai. Ce n'est pas le sujet d'enseignement qu'il faut changer, c'est la conscience dans laquelle tu enseignes qui doit être illuminée.

Tendresses et bénédictions.

31 juillet 1967 

Mère,

La Cuisine ne distribue pas d'eau à boire. Elle ne s'en sert que pour la cuisson.

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C'est notre malchance qui attire cette remarque à propos des gens qui tombent malades. Bien sûr, nos filtres ne sont pas parfaits, mais cela c'est une autre histoire. Pas étonnant qu'on nous blâme pour tout.

 

Je ne blâme rien ni personne et je sais que chacun fait de son mieux. Il est évident que le travail est difficile. Mais ne sommes-nous pas ici pour vaincre les difficultés ?

Avec ma tendresse.

23 août 1967  

Mère,

Dans le numéro d'octobre de Purodha, je vais donner ton message : "C'est au moment où tout semble aller de mal en pis qu'il nous faut faire un suprême acte de foi et savoir que la Grâce ne faillira point. " Je ne comprends pas bien "nous devons faire un suprême acte de foi".

 

Je veux dire, agir selon notre conviction intérieure sans égard pour les conséquences et garder une foi inébranlable en dépit des prétendues preuves du contraire.

23 août 1967  

Mère,

Il y aura beaucoup de monde en février pour ton quatre-vingt-dixième anniversaire. On me submerge de statistiques et de calculs pour me montrer toutes les difficultés possibles, et pourtant je les vois à peine. Je pense qu'en dépit de tous les manques, tu trouveras un moyen et que les choses se passeront en douceur. Je sens que si je ne peux pas avoir un contact plus grand et plus fort avec toi dans mon travail, ce n'est pas la peine que je sois responsable d'un service. Un simple directeur d'hôtel fera mieux l'affaire.  

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Je te prie, donne-moi ce qui est nécessaire en cette circonstance.

 

Les statistiques et les calculs sont purement mentaux et ici le travail de la Force supérieure contredit sans cesse toutes les règles mentales.

Ta réaction intérieure est juste dans l'ensemble. Mais elle ne peut pas te convaincre parce que pendant longtemps il s'y est mêlé une réaction de l'ego.

Maintenant il y a de moins en moins de mélange. Aussi faut-il espérer que l'année prochaine il sera complètement surmonté ; alors les choses seront claires et simples pour toi... sinon pour tout le monde.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

3 septembre 1967

 

(Le disciple écrit à Mère à propos d'une circulaire de l'école de l'Ashram concernant les devoirs à faire à la maison.)

 

C'est en réponse aux nombreuses lettres envoyées par les élèves et les parents, qui se plaignent qu'à cause des devoirs les enfants se couchent tard et sont très fatigués car ils ne dorment pas assez.

Je sais que ces plaintes sont exagérées, mais elles sont aussi l'indication d'un progrès à faire dans l'emploi du temps scolaire.

Ce projet devra être défini dans ses détails avec souplesse et plasticité.

Je ne suis pas d'avis de traiter tous les enfants de la même manière, cela tend à les niveler, à l'avantage de ceux qui sont en retard, mais au détriment de ceux qui peuvent s'élever au-dessus du niveau ordinaire.

Il faut encourager ceux qui veulent apprendre et travailler, mais l'énergie de ceux qui n'aiment pas les études doit être canalisée dans une autre direction.

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Il faudra arranger et organiser tout cela. Les détails pratiques seront réglés plus tard.

Bénédictions.

26 septembre 1967  

Mère,

Dès qu'un 'travailleur va enseigner à l'école, il devient "quelqu'un d'important" et néglige le travail. Je souhaite que quelque chose soit fait pour retirer à l'école cette étiquette. Les professeurs et les étudiants s'attendent à davantage de concessions et de commodités. Ils se cramponnent à l'école pour éviter de travailler. Et s'ils vont travailler, ils ne donnent pas toute leur mesure et ne sont pas très utiles.

Ou peut-être sont-ils des êtres spéciaux¹ qui sont venus pour autre chose et ce que nous en attendons est faux !

 

Les êtres les plus grands sont toujours les plus simples et les plus modestes.

Bénédictions.

2 octobre 1967  

Mère,

Les élèves doivent passer dans les classes supérieures ; j'ai besoin de tes conseils.

X. est très faible et irrégulière. Elle est capable de bien travailler, si elle le veut, et depuis l'anniversaire de Y. elle est devenue plus intelligente ! Elle a tenu la vedette ce jour-là.

 

L'intelligence et la capacité de compréhension sont certainement 

 

¹À côté des mots "êtres spéciaux", la Mère a écrit : "Pas à ma-connaissance!" .

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plus importantes que la régularité dans le travail. Celle-ci peut s'acquérir plus tard.

5 octobre 1967 

Mère,

Je permets à mes élèves de dire ce qu'ils veulent. Parfois ce qu'ils écrivent est malsain.^ L'un d'eux a écrit : "La jeunesse, c'est fait pour jouir de la vie; les vieilles barbes disent qu'il faut travailler pour l'avenir, etc." Ils connaissent la vérité et voilà ce qu'ils écrivent. Quelle doit être mon attitude ? Je ne veux pas qu'ils disent des choses pour me faire plaisir, comme le font certains.

 

Tu peux leur dire que s'ils ne croient pas pouvoir apprendre ici quelque chose qu'on n'enseigne pas ailleurs, ils peuvent très bien changer d'école... nous ne les regretterons pas.

Mieux vaut avoir quelques élèves exceptionnels qu'une masse ordinaire.

Bénédictions.

5 octobre 1967 

Mère,

La nuit dernière j'ai lu ce que Sri Aurobindo a écrit à propos de la Révolution française. Après, on a l'impression que tout ce qu'on lit, tout ce qu'on étudie et tout ce qu'on apprend n'est qu'un tas de mensonges: alors pourquoi tant d'efforts pour arriver au mensonge ?

 

Ce n'est qu'une gymnastique mentale, je suppose ! Tendresses et bénédictions,

16 octobre 1967 

Mère,

J'ai entendu le programme de radio auquel nos garçons ont participé. Je crois que ces programmes peuvent être fort utiles,

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mais j'ai été assez déçu par les réponses de nos élèves.

Je ne sais pas si tu accordes de l'importance à ce qu'on appelle les connaissances générales. On a demandé à nos quatre garçons : "Qui sont les frères Arcot.?" Aucun ne le savait. Ce sont des gens très importants à Madras, dans le domaine de l'éducation et de la politique. On fête leur 81e anniversaire, et leurs photos sont dans tous les journaux. Les gens d'ici vont penser que nous ne nous intéressons pas à ce qui se passe dans le sud de l'Inde, et que nous les méprisons, comme dit le DMK¹.

 

Je regrette, mais je dois avouer que j'ignorais moi-même l'existence de ces gens très importants ! Par conséquent, je suis convaincue que l'on peut être sage sans les connaître...

Nous ne pouvons donner plus d'importance au sud de l'Inde qu'au reste du monde — et il y a sur terre tant d'êtres de grande valeur dont nous ignorons l'existence !...

26 octobre 1967  

Mère,

Un certain yogi du nom de Mahesh est devenu très célèbre en Europe. Il a fondé une Université de Yoga, et maintenant il veut fonder une cité internationale, il te copie, c'est évident. Il a établi un graphique de méditation. Je te l'envoie. Il paraît que c'est transcendantal !

 

Tout — n'importe quoi — peut servir d'instrument à la Sagesse suprême pour préparer la terre à la nouvelle création !...

Bénédictions.

28 novembre 1967  

Mère,

Je ne vais pas très bien depuis trois ou quatre jours.

 

¹Parti politique régional.

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Les symptômes sont de la diarrhée et des vomissements. En général, cela se produit quand mon mental est perturbé, mais cette fois-ci ce n'est pas le cas. J'ai cessé de manger pendant trois jours et tout allait bien. Hier j'ai mangé un peu et le problème a recommencé. La véritable raison doit être ailleurs.

 

C'est dû à l'inquiétude et à l'agitation. Que se passe-t-il ?

Fais descendre la paix, la Paix Divine dans ton estomac et tout ira bien.

Tendresses et bénédictions.

2 décembre 1967 

Mère,

Je ne suis pas conscient de la moindre inquiétude ou agitation en moi, sauf que par moments j'ai l'estomac noué. J'étais plutôt engourdi ces derniers jours. En général j'appelle ta paix et cela réussit toujours. Cette fois-ci, c'est la grève ! L'appel ne monte pas.

 

Ça, c'est sérieux ! Essaye de savoir pourquoi.

2 décembre 1967 

Mère,

Je ne saurais dire pourquoi, mais je me sens trop vide pour faire appel à toi; c'est à toi de me répondre. Ces mornes périodes suivent les jours lumineux où tout semble faire appel à toi et t'être consacré, fendant ces périodes moroses, le tamas règne en maître, semble-t-il. Généralement, cela ne dure que quelques jours.

 

C'est une preuve que ton être n'est pas entièrement unifié autour de la Présence psychique centrale.

C'est un travail personnel que chacun doit faire pour son propre compte. L'aide est toujours là, mais l'efficacité de son action dépend de la réceptivité et d'un appel conscient.

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Après tout, c'est une question de patience dans l'effort.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

3 décembre 1967 

Mère,

Une fois de plus j'ai glissé hors de ta protection. C'est assez sérieux. Il pleuvait et je suis tombé sur la terrasse entre la salle des fruits et la chambre de Pavitra. Tous les verres du plateau à jus de fruits sont cassés. Je m'en suis tiré avec quelques égratignures. C'est peut-être l'indication d'un manque de réceptivité. Toi seule peux le guérir. Ne me demande pas de le faire par mes propres moyens.

 

C'est plutôt l'inverse — sois passivement confiant ; laisse-moi faire... et ce sera fait. Depuis ta dernière lettre, il y a une forte et presque constante concentration de la Force sur toi. Si tu sais la recevoir, tout ira très bien.

Tendresses et bénédictions.

8 décembre 1967  

Mère,

X., le poète hindi qui vient souvent à l'Ashram, m'écrit qu'on le presse de renoncer aux récompenses qu'il a reçues du Gouvernement indien. Il avait reçu le prix Padma Bushan. Dans ce cas, il lui faudrait aussi quitter son poste. C'est pour protester contre la politique gouvernementale concernant les langues nationales. Il demande ton avis. Que dois-je lui répondre ?

 

Pourquoi prêterait-il l'oreille à des menaces ? Il doit agir suivant l'ordre intérieur et non suivant l'opinion publique.

 

Puis-je lui suggérer l'idée du sanscrit comme langue nationale de l'Inde ?  

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Oui.

Bénédictions.

29 décembre 1967 

Mère,

Un jeune homme de Ludhiana, Y., a reçu un télégramme de sa femme. Quelqu'un de chez lui est malade. On lui demande de revenir au plus vite. Il veut tes instructions et tes bénédictions.

 

Est-ce vraiment nécessaire ? En général ces appels ne sont pas tout à fait sincères.

Vers 1967  

Mère,

Dans l'accord que nous avons signé avec les ouvriers de la Blanchisserie, nous avons intégré les allocations de vie chère aux salaires. Dans l'Inde entière le mouvement ouvrier l'exige. Mais ici, comme c'est nous qui en avons pris l'initiative, les ouvriers n'en veulent plus. Après que Z. leur eut expliqué toute la situation, j'ai accepté de faire ce qu'ils veulent, mais ce qu'ils veulent est moins avantageux pour eux. Ils ne peuvent pas croire que nous puissions faire pour eux quelque chose qui soit davantage dans leur intérêt. Comment peut-on éliminer ce manque de confiance ?

 

Peut-on faire en sorte que les aveugles voient ?

L'humanité entière, à quelques exceptions près, se méfie du Divin et pourtant Sa Grâce est des plus agissantes.

Vers 1967 

Mère,

Juste une question, si tu veux, bien y répondre. Dans le Râmâyana, il est dit que lorsque Rama vit que son travail sur terre était achevé,

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il entra dans le fleuve Sarayou avec ses compagnons. On n'a pas à juger les actions d'un Avatar, mais cela ressemble à un suicide collectif, et le suicide est tenu pour le plus grand des péchés. Comment expliquer cela ?

 

1) Pour le Suprême le péché n'existe pas.

2) Pour l'adepte, être loin du Seigneur est le plus grand des péchés.

3) À l'époque où le Râmâyana a été conçu et écrit, la connaissance révélée par Sri Aurobindo, à savoir que la terre sera transformée en un monde divin et en la demeure du Suprême, n'était encore ni connue ni admise.

Si tu réfléchis à ces trois points, tu comprendras la légende (il se peut aussi que la réalité ait été différente).

Vers 1967 

Mère,

Un de mes amis, qui est aussi ami de Vinova Bhave, m'écrit que celui-ci voudrait savoir ce que Mère a dit exactement au sujet du sanscrit qui doit devenir la langue nationale de l'Inde.

J'ajouterai : crois-tu que tout le monde puisse apprendre la grammaire sanscrite qui est très difficile? Aura-t-on recours au sanscrit dans la vie courante, ou seulement pour les cérémonies religieuses, comme c'est le cas pour le latin en Angleterre ?

 

Pour la vie courante, je pensais à un sanscrit simplifié, du point de vue de la grammaire. Mais bien entendu, je ne sais pas si c'est possible.

8 mars 1968  

Mère,

Est-ce une bonne chose de préparer tes boissons, etc., quand on n'est pas bien physiquement ou mentalement ? 

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Le mental donne de bons arguments des deux côtés.

 

Si tu cesses de préparer la boisson, il me faudra m'en passer. Si tu la prépares quand tu n'es pas bien, il me faudra résoudre la difficulté. Alors le seul remède, c'est que tu ailles bien quand tu prépares la boisson : ce sera bon pour nous deux...

Tendresses et bénédictions.

8 mars 1968 

Mère,

Cela fait maintenant trente ans que je travaille à la Salle à manger. Si tu crois qu'il vaudrait mieux avoir des gens plus jeunes pour assurer les besoins pressants de l'avenir, je m'écarterai volontiers. Je parle sérieusement.

Dans mon travail, je n'ai jamais fait de plans. Je t'en ai laissé le soin et tu ne m'as jamais laissé tomber. Que cette expérience se développe.

 

Dans l'intérêt du travail, il vaut mieux que tu continues parce que tu peux m'appeler et me sentir, mieux qu'un jeune plein peut-être d'une énergie inutilisée, mais persuadé que c'est lui qui fait le travail. Il y a peut-être d'autres bonnes raisons pour que tu continues, comme l'honnêteté, la sincérité, etc., mais il n'est pas nécessaire d'en parler.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

15 mars 1968

 

(Le disciple demande à Mère s'il doit accepter un ventilateur qu'on lui offre, et parle de ses tendances ascétiques. Sa lettre se termine ainsi :)

J'ai gardé une certaine répulsion à l'égard du confort.

 

La répulsion est aussi mauvaise que le désir — accepte donc le ventilateur et que la Volonté divine soit faite ;

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car, après tout, c'est toujours Sa volonté qui prévaut !

Tendresses et bénédictions.

15 avril 1968  

Mère,

En 1960, tu m'avais pratiquement guéri de la filariose à la jambe et au pied droits. Il y a environ une semaine, la jambe s'est remise à enfler de plus belle ! Elle est brûlante, rigide, parfois douloureuse, et elle me démange. Je boîte et le pied a presque doublé de volume.

 

Il a dû y avoir un sérieux fléchissement de ta foi, car la force travaille de la même manière (elle s'est même souvent révélée plus puissante), mais plus la foi est sincère, plus la force est efficace.

 

X. m'a envoyé deux travailleurs. Il me dit qu'il est difficile de leur trouver un logement, mais l'Imprimerie a une maison pour ses travailleurs, alors il faudrait que je donne ces travailleurs à l'Imprimerie pour qu'ils soient logés. Quelque chose en moi se révolte contre ce genre de raisonnement ; d'une façon analogue, je pourrais dire que, comme la Salle à manger nourrit les gens, elle doit avoir tous les travailleurs.

 

En effet, quand on donne du travail on doit prendre en considération deux choses : d'un côté le besoin et de l'autre la capacité des travailleurs ; tout le reste a un relent de mensonge diplomatique.

 

Mère,

Plusieurs fois tu m'as parlé d'un "fléchissement" de ma foi. Vraiment, je ne comprends pas.

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Sincèrement, je ne sais pas si j'ai ou non la foi. Peu importe que ma jambe aille mieux ou non ; mais donne-moi un peu de foi.

 

A vrai dire je me soucie peu que tu aies la foi, ou que tu croies ne pas avoir la foi ; ce que je veux, c'est que tu sois en bonne santé et que tu travailles avec joie. Dans ton cas, en ce qui concerne ton corps, je rencontrais toujours une remarquable réceptivité, et la guérison était rapide — c'est ce qui a motivé ma remarque.

Il est vrai que "nous" passons par une période difficile ("nous" c'est-à-dire le monde), mais ceux qui tiendront en sortiront beaucoup plus forts qu'avant.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

21 mai 1968 

Mère,

Personne sauf toi ne me croira si je dis qu'hier ma jambe était enflée jusqu'au genou. Elle était brûlante et raide, le pied était le double de son volume normal. Puis j'ai reçu ta note. Mes yeux pouvaient voir l'enflure diminuer à partir du haut. De minute en minute elle diminuait, et en quelques minutes elle n'affectait plus que le pied et la cheville; la partie inférieure de la jambe allait beaucoup mieux. Au bout d'environ une demi-heure, tout était pratiquement normal. Quelques heures après, l'enflure est un peu revenue. Je suis sûr que je n'aurai pas besoin de t'ennuyer à nouveau, cela s'en ira — ma foi n'en a aucun mérite !

 

Bravo ! Voilà la bonne, la vraie chose et cela doit continuer. Avec ma tendresse et mes bénédictions.

22 mai 1968 

Mère,

Les professeurs que j'ai formés récemment, X., Y. et Z., font de leur mieux, 

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mais je trouve que leurs cours manquent de vie. Ils sont ennuyeux. Toute la classe est comme endormie. Comment rendre leurs cours plus vivants ?

Pour les activités du Terrain de jeux, nous avons des compétitions et des prix. A l'école, les prix ont-ils été supprimés ? Les prix appartiennent à un niveau de vie plutôt bas... mais si nous en sommes encore là...

 

Tu peux en donner, si tu estimes que c'est nécessaire.

29 mai 1968 

Mère,

Quand les gens viennent me voir au sujet de leurs difficultés personnelles, cela me fatigue beaucoup. Je sens la fatigue après leur départ. Je t'appelle et en cinq à dix minutes je suis remis. Hier X., qui n'était pas venue me voir depuis longtemps, m'a raconté toutes ses affaires de famille. J'étais plein de vie, mais aussitôt qu'elle est partie je me suis senti vidé. Tout mon corps était mort de fatigue et même vingt-quatre heures après, je ne suis pas encore remis.

 

Oui, c'est parce qu'elle prend sans rien donner. Mais un peu de concentration au moment où tu m'appelles et ce sera fini... Tendresses et bénédictions.

27 juin 1968  

Mère,

Tu m'as dit que chaque fois que j'en aurai besoin, ta direction intérieure sera là. Elle vient, mais souvent je ne peux pas faire la différence et je la prends pour ma propre opinion et alors je n'insiste pas. Seul le résultat m'indique que j'ai commis une erreur.  

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C'est justement comme cela qu'on apprend le discernement ! Avec ma tendresse et mes bénédictions.

5 mars 1969  

Mère,

D'après bon nombre de ceux qui prennent leurs repas à la Salle à manger, la qualité des légumes s'est beaucoup améliorée. La quantité de lait a aussi augmenté. Et pourtant, tous les deux jours on me demande des légumes, de l'huile, des épices et un supplément de lait. On considère que cela va de soi, que c'est un droit. Comment traiter cela ? Je donne des fruits en abondance, quand j'en ai.

 

La plupart des gens sont tout simplement gloutons et leur cas ne mérite pas d'être pris en considération. C'est seulement si, pour des raisons de santé, leur cas mérite considération, que tu peux être indulgent.

Bénédictions.

16 mai 1969 

(Au sujet d'une traduction en hindi de La Vie Divine.)

 

Les traductions qui sortent d'ici doivent être bonnes, sinon c'est impossible. Ce n'est pas une question de personne ou de sentiment. Le travail doit être fait convenablement, c'est tout.

17 juin 1969 

Mère,

Des cageots de pommes en provenance de "Mountain Paradise"¹ sont bloqués quelque part en route.

La quantité de lait a beaucoup diminué. Il se pourrait que la situation ne s'améliore pas pendant quelque

 

¹Jardin de l'Ashram dans les Himalayas.

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temps parce que beaucoup de nos vaches sont mortes. Les légumes sont rares aussi à cause de la sécheresse. Et pourtant on nous demande de ne pas les distribuer chichement.

 

Donc, nous devons avoir la foi et endurer. Avec ma tendresse et mes bénédictions.

12 août 1969  

Mère,

On m'avait demandé d'écrire un petit livre sur la vie de Sri Aurobindo. Je devais recevoir 1000 roupies du Gouvernement indien. J'ai envoyé le manuscrit. On m'a suggéré de nombreux changements : pas un mot sur Son message concernant les propositions de Cripps. Les citations de Sri Aurobindo au sujet de l'invasion chinoise, de la Corée, etc., sont acceptées. Le Brahmacharya est tabou. Interdiction de parler de ce qui ne peut être prouvé. J'ai refusé de donner mon livre. Je voulais simplement te mettre au courant.¹

 

Mais ils vont demander un livre à quelqu'un qui ne sait rien de Sri Aurobindo et qui dira toutes sortes d'âneries !...

Que faire !...

5 septembre 1969  

Mère,

Je dois recevoir 10000 roupies pour les publicités imprimées dans Purodha ces dernières années. Une première tranche de '500 roupies est déjà arrivée. Cet argent veut t'appartenir.

J'ai pensé à deux façons de l'utiliser : (1) le déposer à la banque et utiliser les intérêts pour envoyer gratuitement 

 

¹Le Gouvernement indien a finalement accepté de publier le livre du disciple sans modifications.

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Purodha dans les écoles et les bibliothèques ;

(2) Ne pas penser à l'avenir et utiliser toute la somme pour la diffusion de la revue jusqu'au centenaire [de la naissance de Sri Aurobindo, en 1972] afin que ton message atteigne le plus de gens possible. Je n'arrive • pas à prendre une décision. Que me conseilles-tu ?

 

Je n'aime pas cette idée de toucher des intérêts sur l'argent. Utilise-le donc d'une autre manière, comme tu le jugeras préférable.

Bénédictions.

5 septembre 1969 

Mère,

Je suis dans une situation très embarrassante. Si quelqu'un offre 125 roupies, il devient membre à vie de Purodha. L'argent est mis en dépôt dans l'entreprise de X., et celui-ci nous donne 14 roupies d'intérêts par an. Puisque tu n'aimes pas que l'on touche des intérêts sur l'argent, que dois-je faire dans ce cas ? Nous avons une quarantaine de membres à vie, et d'autres ont adhéré récemment. En outre, Purodha a de l'argent à la banque dont nous touchons les intérêts. Je t'en prie, guide-moi.

 

Ce que je vois, c'est le monde de demain, mais le monde d'hier est toujours vivant et le restera encore pendant quelque temps. Que les anciens arrangements soient maintenus tant ; qu'ils sont encore en vie.

Sur la terre, les changements se font lentement. 

Ne t'inquiète pas — et garde espoir en l'avenir.

Avec ma tendresse et mes bénédictions. ;

6 septembre 1969  

Mère, 

Je suis plutôt déçu par mon travail à l'école cette i année.

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J'essaie d'inciter les élèves à prendre des initiatives. Je leur soumets des douzaines de propositions sur ce que nous pourrions faire et sur la façon de le faire. Mais je n'obtiens absolument aucune réaction. C'est comme si je parlais à un mur. Pourtant les élèves sont gentils, amicaux, intelligents. Il doit y avoir quelque chose qui me manque, pour qu'en dépit de tous mes efforts, je ne reçoive aucune réponse des élèves. J'ai envie d'abandonner. C'est la première fois que j'ai cette expérience. Hier, j'ai failli leur dire que je ne donnerai plus de cours. Quelque chose m'a retenu. Mais même dans cette classe, si j'impose ma volonté, j'obtiens de bons résultats.

 

Pourquoi n'imposerais-tu pas ta volonté ? Elle est visiblement plus éclairée que la leur et a le droit de les guider.

Bien entendu, il est hors de question que tu abandonnes tes élèves — mais sers-toi de ta volonté pour les faire progresser.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

6 septembre 1969  

Mère,

En 1919, Sri Aurobindo a écrit que le chaos et les calamités étaient peut-être les affres précédant la naissance d'une nouvelle création. Combien de temps cela va-t-il encore durer ? À l'Ashram, en Inde et finalement dans le monde ?

 

Cela continuera jusqu'à ce que le monde soit prêt et consente à recevoir la nouvelle création ; la conscience de cette nouvelle création est déjà à l'œuvre sur la terre depuis le début de cette année.

Si les hommes collaboraient au lieu de résister, cela irait plus vite.

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Mais l'ignorance et la stupidité sont très obstinées. Tendresses et bénédictions.

29 septembre 1969 

Mère,

X,, Y. et Z., seront partenaires dans ce projet de construction d'une usine appelée ".Auro-Steel". Tous trois investiront des montants différents. Comment répartir les profits ? En fonction de l'investissement, ou de quelque autre manière ? X. donnera la plus grosse part. En tout, il faut réunir 200000 roupies.

 

Ils n'ont pas l'air de savoir qu'à Auroville, une fois toutes les dépenses payées, y compris leurs frais personnels, les bénéfices vont à la ville.

Bénédictions.

17 octobre 1969  

Mère,

Je ne suis pas très content de Purodha. Cette revue est encore largement fondée sur le passé et ne peut voir la direction à prendre pour l'avenir.

 

L'avenir est nécessairement meilleur que le passé. Nous n'avons qu'à aller de l'avant.

Tendresses et bénédictions.

17 janvier 1970  

Mère,

On m'a montré hier ce que tu as écrit à propos de la lecture des journaux.¹ Dis-moi, personnellement, ce que

 

¹"Si on veut savoir ce qui se passe réellement dans le monde, il ne faut pas lire les journaux, quels qu'ils soient, parce qu'ils Sont pleins de mensonges. Lire un journal, c'est participer aux grands mensonges." (2 février 1970)

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je dois faire. Je lis les journaux régulièrement depuis l'âge de treize ans. Si tu me dis d'arrêter, je peux le faire.

 

Pas la peine d'arrêter. Tu dois avoir acquis assez de discernement.

4 février 1970 

Mère,

Avant de commencer à croire que c'est une invention de mon mental, permets-moi de te dire que juste avant le Darshan, j'avais un furoncle de la taille d'une balle de ping-pong très mal placé sur la fesse. C'était devenu difficile de bouger. Avant de m'endormir, je t'ai dit : "Ça ne va pas. S'il reste, je serai obligé de rester au lit la semaine du Darshan. " Je ne suis pas sûr que ce soit possible, mais le matin le furoncle s'était déplacé d'environ dix centimètres de l'endroit inconfortable, me donnant toute liberté de mouvement : un ou deux jours après, il a crevé et maintenant il est sec. Je me demande encore si le furoncle pouvait vraiment se déplacer comme cela.

 

Tout peut arriver. Seule la logique de notre mental impose des limites. Je dois féliciter ton corps de sa réceptivité. Avec ma tendresse et mes bénédictions.

25 février 1970  

Mère,

Avant de venir ici j'avais très envie d'apprendre l'allemand, mais l'occasion ne s'est pas présentée. Maintenant l'occasion frappe à ma porte. Cela ne me dit rien. Si cela doit m'être utile, j'apprendrai, autrement non. Dis-moi ce qu'il faut faire.

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Si l'occasion s'est présentée, cela veut dire que cela peut être utile.

Tendresses et bénédictions.

23 mars 1970  

Mère,

Un étudiant à l'université, qui paraît désireux de sortir de la vie ordinaire, m'écrit souvent. Il s'exprime avec beaucoup de franchise. Il dit qu'il essaie de méditer sur ta photo, mais récemment il a commencé à sentir une forte attirance physique pour toi. Il me demande mon avis.

 

Il se peut que la photo soit ancienne. Il faut qu'il prenne une des photographies les plus récentes.

Sinon, il doit tirer la sensation vers le haut et l'offrir dans le centre du cœur.

Bénédictions.

21 avril 1970  

Mère,

Une crainte s'élève en moi. Depuis mon enfance jusqu'à mon arrivée ici, j'avais l'ambition d'être un meneur d'hommes et j'avais essayé de m'y préparer. Lorsque je suis venu ici, tout cela a été balayé. L'autre jour X. et Y. m'ont amené de force à leur conférence de jeunes et m'ont obligé à parler. Ils disent que j'ai bien parlé et ils ont décidé que chaque fois qu'ils tiendront une conférence ici, je devrai parler. J'ai peur que la vieille ambition ne revienne sous une forme nouvelle et n'enfle mon ego. Je t'en prie, épargne-moi de devenir semblable à Z..

 

Tu es en sécurité. Il te suffit de te rappeler, comme je le fais moi-même, que c'est toujours Sri Aurobindo qui parle chaque fois

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que nous essayons de dire quelque chose de sensé. Avec ma tendresse et mes bénédictions.

2 juin 1970  

Mère,

On m'a emmené à Auroville il y a quelques semaines. J'ai été très heureux de voir les gens travailler, ces gens dont nous entendons dire tant de mal. Ils travaillaient dur. Peu d'entre nous pourraient en faire autant. Tu sais qu'en matière de travail, il n'est pas facile de me satisfaire, mais j'étais vraiment heureux.

 

Je suis très heureuse de ce que tu m'écris, et suis tout à fait d'accord avec toi. Donc tout va bien. Avec nia tendresse et mes bénédictions.

23 juin 1970 

Mère,

Certains de mes plus sincères travailleurs me demandent s'ils peuvent adhérer à Sri Aurobindo's Action.¹ Je leur ai dit qu'ils participent à l'action de la Mère. Ils n'ont pas besoin de quitter l'une pour courir après l'autre.

 

Tu as tout à fait raison. Avec ma tendresse et mes bénédictions.

25 juin 1970  

Mère,

Dans Purodha, la moitié des pages sont consacrées aux traductions de tes écrits et de ceux de Sri Aurobindo. Le reste traite d'autres sujets, et il y a aussi des récits basés sur divers aspects de ton enseignement.

 

¹Revue mensuelle, éditée par un groupe d'Ashramites, basée sur les écrits de Sri Aurobindo.

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Tu m'as dit que l'important n'est pas ce que j'écris, mais la conscience dans laquelle j'écris. Des amis à moi me demandent de m'aligner sur Sri Aurobindo's Action. Je ne comprends pas ce que cela veut dire. Quelle ligne veux-tu que j'adopte pour Agni, la nouvelle revue pour la jeunesse. En ce qui concerne Purodha, as-tu certains changements à me suggérer, en fonction de Sri Aurobindo's Action?

 

Aucun changement, ça va très bien.

Pour "Agni", il faut apprendre aux enfants que la vie peut être belle.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

17 juillet 1970

 

Le hindi n'est bon que pour ceux qui viennent d'une province où l'on parle le hindi ; le sanscrit est bon pour tous les

Indiens.

Vers 1970

 

(On a fait croire au disciple que Sri Aurobindo souhaitait que le hindi soit la langue nationale de l'Inde ; aussi a-t-il demandé à Mère pourquoi elle avait écrit que "le sanscrit devrait être la langue nationale de l'Inde".)

 

J'ai dit le sanscrit parce que Sri Aurobindo me l'a dit.

Bénédictions.

Vers 1971 

Mère,

Une campagne systématique contre la Salle à manger se poursuit. Cette plainte revient constamment de la même source. Je serais heureux de me retirer au profit de quelqu'un qui trouvera grâce aux yeux de mes critiques afin qu'on ne t'ennuie pas à tout bout de champ.

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Sans toi j'aurai des ennuis tout le temps. Aussi, pour moi, il vaut mieux que tu continues ton travail.

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

4 mai 1971

 

(Le disciple a écrit à Mère à propos de deux personnes qui collaborent étroitement avec lui et ont du ressentiment l'une pour l'autre.)

 

Dans la vie, le ressentiment provient toujours de l'ego qui refuse d'abdiquer.

Sans date  

Mère,

Puis-je savoir ce qui te convient le mieux lorsque j'ai affaire à toi, dois-je te parler personnellement ou t'écrire ?

 

Tu peux toujours me parler et c'est peut-être ce qui convient le mieux parce que si j'ai une question à poser, je peux la poser aussitôt et on peut résoudre le problème aussitôt.

 

(Le disciple explique alors son différend avec un collègue.)

 

Inutile de dire que X. et toi avez tous les deux raison (ou tort) ; ce sont deux aspects de la question et on peut adopter aussi d'autres points de vue.

La seule chose qu'il faut garder présente à l'esprit, c'est que personne n'a tout à fait raison ni tout à fait tort, et qu'on ne peut pas prendre de décision en faveur de tel ou tel point de vue.

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Que chacun fasse de son mieux selon ce qu'il pense ou sent être le mieux et... la Conscience Divine s'occupera des résultats.

Bénédictions.

Sans date 

Mon cher enfant,

Il est beaucoup plus facile de clarifier les choses dans ta tête que de te laisser démissionner. En fait, la seconde proposition est parfaitement inacceptable. J'ai besoin de toi ici et n'ai nulle intention de te laisser partir. A dire vrai, je considère qu'abandonner la responsabilité et le travail que je t'ai donnés serait beaucoup plus déloyal que d'avoir quelques réactions désagréables (mais fugitives) en raison de fluctuations inévitables dans certains détails du travail.

Attribue toute cette perturbation en toi au résultat de l'attaque de l'épreuve) imposée par une force hostile, plutôt qu'à des changements insignifiants dans l'organisation du travail.

Je sens que tu es déjà sorti de ce désarroi, mais je t'envoie ce mot afin qu'il n'en reste pas la moindre trace... .

Avec ma tendresse et mes bénédictions.

Sans date  

Ne fais pas attention aux contradictions apparentes. Il y a une Vérité à découvrir derrière elles.

Sans date  

Courage, tout ira bien, si nous savons comment durer et endurer.

Tendresses et bénédictions.

Sans date

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Chat heureux dessiné par la Mère

pour remonter le moral à son disciple malheureux  

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